Review

Malgré les cris indignés d’un grand nombre d’esprits étroits imposant leur vision de ce que doit être un jeu vidéo, les « simulateurs de marche » font leur petit bonhomme de chemin et constituent peu à peu un genre à part entière, et non plus quelques cas isolés. Après Gone Home, Firewatch ou encore Everybody’s Gone to the Rapture, la tendance se poursuit avec l’arrivée de Virginia, aux allures d’enquête décalée dans une petite ville des Etats-Unis. Amateurs de récits policiers…n’hésitez pas à aller voir ailleurs (mais lisez la suite, tout de même !).

En quête de sens

"Contrairement aux apparences, l'enquête passe vite au second plan"

« Contrairement aux apparences, l’enquête passe vite au second plan »

La disparition du petit Lucas ne sert en vérité que de prétexte pour lancer les aventures des inspectrices du FBI Maria Halperin et Anne Tarver, toute jeune recrue que vous aurez la tâche de contrôler dans cette enquête menant les deux femmes au sein de la petite ville de Kingdom, en Virginie. La recherche d’indices sera forcément au rendez-vous, mais ce mystère passe vite au second plan au profit de la relation s’installant entre les deux partenaires. On n’en dira pas plus sur le scénario, mais autant le préciser d’emblée de jeu: la narration de Virginia est déroutante.

Clamant haut et fort leur admiration pour David Lynch et tout particulièrement sa série Twin Peaks, les développeurs du jeune studio Variable State n’ont pas hésité à se la jouer cryptique et décousu. Entre séquences de rêve étranges, l’apparition récurrente d’un bison et autres bizarreries visuelles, n’espérez pas d’emblée saisir toutes les intentions du studio, encore moins obtenir une réponse claire au mystère entourant la disparition et le sort du gamin disparu.

Walk walk walk walk

Le côté cryptique est renforcé par le choix d’une œuvre totalement muette. Expressifs gestuellement, les personnages n’ont fort heureusement pas besoin d’ouvrir la bouche pour se faire entendre, et de ce point de vue le défi est parfaitement réussi, d’autant plus que Variable State a opté pour un rendu low poly particulier mais qui sied parfaitement à l’ambiance mise en place.

"La réalisation low poly est un parti pris intéressant"

« La réalisation low poly est un parti pris intéressant »

Une grande partie de cette réussite atmosphérique est due aux compositions de Lyndon Holland, mises en musique par l’Orchestre Philharmonique de Prague (responsables des bandes originales de Lost Highway et Mulholland Drive de David Lynch, encore lui). Excusez du peu ! D’une beauté renversante, quitte parfois à trop en faire lors de séquences ne semblant pas demander de telles envolées, la bande son est sans contexte ce que l’on retiendra de Virginia, et ce qui motive le joueur/spectateur à faire avancer l’histoire.

Principe passif

« Faire avancer l’histoire » n’est peut-être pas la formulation la plus adaptée, vu la tendance du jeu à dérouler ses événements sans votre accord. Faire quelques pas, cliquer sur un élément pour ouvrir une porte ou saisir un objet, voilà le genre d’interactions toute simples qui constitueront le cœur de la partie « ludique » de Virginia, qui doit s’appréhender comme un pur film interactif. Le montage usant et abusant de coupes abruptes mettant subitement fin à la plupart des séquences, sans que le joueur ait forcément eu le temps d’y prendre réellement place, est un pari osé là où le media vidéoludique nous habitue à être acteur de l’avancée narrative.

"On aurait voulu en apprendre plus sur la ville de Kingdom et ses habitants"

« On aurait voulu en apprendre plus sur la ville de Kingdom et ses habitants »

Même en étant pleinement préparé au genre d’expérience proposée ici, il est difficile d’encenser totalement le travail accompli et la passion qui l’a animé. Le manque de clés de compréhension finit par fatiguer et, là où on pense enfin saisir où le jeu veut en venir, nous voilà confronté à un final ô combien déconcertant et, il faut bien le dire, décevant. Et, peut-être est-ce dû à l’absence de dialogues ou au montage qui a la bougeotte, mais il se révèle quasiment impossible d’éprouver de l’attachement pour ces personnages et le cadre dans lequel ils évoluent. On aurait par exemple aimé pouvoir en connaître davantage sur la petite ville de Kingdom et ses habitants, là où elle n’est finalement rien de plus qu’un cadre impersonnel et peu développé.

Impossible de réellement recommander ou déconseiller ce Virginia, tant il se révèle unique, à défaut d’être marquant, et apportera de l’eau au moulin des détracteurs de ce genre d’expériences. Le soft étant proposé pour à peine 10 euros, soit moins qu’une séance de cinéma pour une durée similaire à celle d’un film, les amateurs d’expérimentations narratives seraient pourtant avisés d’y jeter un œil, voire surtout une oreille, avertis.

La Bande-Annonce

Réalisation: 15/20

La réalisation low-poly ne plaira pas à tous, mais donne à Virginia un attrait visuel immédiat et en parfaite harmonie avec son style narratif. Dommage tout de même de constater quelques saccades.

Gameplay/Scénario: –/20

L’aspect interactif étant ici réduit au strict minimum, il nous semblait improbable d’y attribuer une note. Le scénario, volontairement cryptique, va dans des directions inattendues et décevra sans aucun doute ceux qui s’attendaient à un vrai récit policier.

Bande-Son: 19/20

Magistrale, parfois même un peu trop en comparaison avec ce qui se déroule à l’écran, la bande originale de Virginia est une merveille qui, couplée à un sound design astucieux, met d’emblée dans l’ambiance de récit pas comme les autres.

Durée de vie: –/20

Là encore, tout est une question de parti pris, et il est hors de question de sanctionner par une cotation la volonté des développeurs de proposer une expérience courte (comptez environ 1H30), là encore en opposition aux codes vidéoludiques classiques.

Note Globale N-Gamz.com: 11/20

Difficile d’attribuer une note à ce Virginia, tant l’aventure résonnera de façon bien différente d’un joueur à l’autre. Que vous soyez refroidi par la quasi absence d’interactivité ou fasciné par les choix culottés pris par les développeurs, une chose est sûre, Virginia ne vous laissera pas de marbre. Pour le meilleur ou pour le pire.



About the Author

Guib
Accro (mais sainement ; et oui, amis journalistes, c’est possible) aux jeux vidéo depuis le jour où j’ai reçu ma Super Nintendo accompagnée de Super Mario All Stars à l’âge de 6 ans, je suis passionné par les jeux de plate-forme, mais pas uniquement. Peu importe le genre, je suis surtout intéressé par les titres qui ont une âme et qui dégagent une réelle personnalité. Quelques-uns de mes jeux cultes : Yoshi’s Island, Beyond Good & Evil, Ico et les jeux Rockstar (oui, ça tranche avec le reste mais ces gars-là m’ont rarement déçu). J’ai aussi une petite faiblesse moins avouable pour les jeux nanars descendus par la plupart des testeurs, mais chut. Etant fan de cinéma fantastique et écrivant depuis quelques mois des critiques de films, j’ai eu envie de me diversifier et de me lancer dans le test de jeux vidéo, et me voilà !