Review
Sassybot, studio de développement néerlandais indépendant dont les 2 membres sont diplômés de la prestigieuse université NHTV IGAD (Indie Game Development) aux Pays-Bas, a déjà à son actif plusieurs jeux sur smartphone et PC, relativement passés inaperçus il faut le dire. Aujourd’hui pourtant, les petits gars se proposent de nous intéresser à la vie… ou plutôt la mort d’un homme et le vide que cette absence laisse dans son entourage. Une aventure narrative touchante par sa simplicité ludique et son univers empreint de souvenirs et de réflexions sur un sujet trop souvent tabou. Pari gagnant pour sortir de l’anonymat ? Découvrons-le, dans le recueillement, au sein des lignes qui suivent.
Fragments of… Us ?
Sassybot vous emmène dans le quotidien de Will… après sa mort!
L’histoire de Fragments of Him tourne autour du décès de Will, un homme ordinaire qui partageait son quotidien avec son petit ami Harry le plus simplement du monde. Par le biais des différentes personnes qui ont connu notre héros : sa grand-mère Mary, son compagnon Harry ou encore le premier amour de sa vie, Sarah, le titre nous convie à découvrir notre vie « mortelle », tout en donnant de l’espoir aux proches qui restent après notre départ. Ce récit interactif se joue donc en vue à la première personne « détachée », un peu comme si vous étiez un esprit ou un « subconscient » qui guiderait les personnages, pour un titre d’un charme sobre et certain, traitant d’émotions bien réelles car nous serons tous confrontés un jour à la perte d’un être cher. Souvenirs, pensées ou réflexions sur la vie seront donc votre lot quotidien dans ce soft ô combien mature dans son propos.
Il était une fois… votre vie !
Commençons tout de suite avec ce qui peut fâcher dans une aventure narrative au propos aussi adulte que celui de Fragments of Him : le jeu est intégralement en anglais, même les sous-titres ! Cela pourra peut en rebuter certains car le niveau de langage est plutôt soutenu, et ne pas comprendre la langue de Shakespeare vous ferait passer à côté du principal intérêt du titre : son histoire !
Le titre se manie comme un point & click, chaque interaction amenant à de nouveaux souvenirs de la vie de Will
En termes de gameplay, vous utiliserez, comme dans tout jeu à la première personne, les deux joysticks pour avancer et regarder autour de vous, avec la possibilité d’accélérer par simple pression sur une gâchette. Etant invisible aux yeux des NPCs, votre seul moyen d’influer sur la situation consistera en un viseur de couleur blanche plutôt discret, qui se teintera de rouge pour vous montrer un élément digne d’intérêt avec lequel interagir histoire de « créer » des souvenirs dans la mémoire de vos proches. Le tout se révèle très simple d’accès, certes, mais aussi terriblement linéaire, avec parfois quelques « choix de dialogues» à faire qui n’influenceront en aucun cas le scénario global.
Histoire d’accentuer le côté « cloisonné » de l’œuvre, pas mal de passages sont délimités par des murs invisibles. Et pourtant, malgré cela, l’immersion est présente, notamment lorsque les personnes vous ayant connu se prennent au jeu des réflexions intérieures… semblant étrangement s’adresser directement à vous… oui vous, derrière votre écran ! A noter que le découpage de l’histoire propose des scènes assez désorganisées mais si vous suivez bien, vous ne vous perdrez pas.
Do you remember the time ?
Les choix visuels artistiques de Fragments of Him, tout en sobriété, ne plairont pas à tous mais instaurent une ambiance vraiment unique
Techniquement, les personnages de Fragments of Him font un peu penser à ces mannequins en plastique que l’on peut croiser dans les magasins de vêtements, les principaux protagonistes étant un peu plus détaillés que leurs homologues lambda. Honnêtement ici, on trouve ce choix artistique plutôt osé mais on y adhère à 100%. La palette de couleurs, quant à elle, tire allègrement sur le gris avec diverses nuances de noir et blanc histoire d’accentuer la sensation de nostalgie et de souvenir, voire même d’intemporalité, liée au récit. Au final, les seules réelles touches de couleurs que vous apercevrez seront présentes pour vous indiquer les éléments interactifs. Un graphisme tout en sobriété donc, qui pourra déplaire aux amoureux des effets spéciaux et textures ultra précises, c’est un fait.
Par contre, si l’habillage visuel ne vous parle pas, vous ne pourrez rien dire contre les merveilleuses mélodies de ce Fragments of Him, lesquelles vous transportent littéralement dans la tristesse laissée par votre départ, alors que les bruitages issus d’objets du quotidien ancrent votre inconscient dans la réalité du soft, si proche de la nôtre. Le doublage anglais, pour sa part, est totalement adapté à la personnalité de chaque protagoniste pour le rendre hautement crédible dans son recueillement et ses réflexions sur votre existence… mais aussi la leur après votre mort.
La mort, ultime fin ou réel commencement ?
Si vous vous sentez d’humeur à philosopher devant votre PC ou votre Xbox One et que vous cherchez une histoire plutôt mature et réaliste, vous frappez à la bonne porte en optant pour Fragments of Him. Tout comme Will, votre vie risque de prendre un tournant inattendu lorsque vous plongerez dans ce soft si atypique. Malgré le fait que l’expérience soit bien trop courte (comme la vie elle-même ?) au regard du prix d’une vingtaine d’Euros pratiqué, mais aussi que vos rares choix n’influencent pas du tout la fin du titre, le bébé narratif de Sassybot est incroyablement prenant et touchant, offrant une esthétique hors norme et un récit poignant de vérité, pour peu que vous compreniez comme il se doit la langue de Shakespeare. Un jeu qui est là pour vous faire réfléchir et prendre conscience de choses sur votre propre existence… avouez que le concept est intéressant, non ?
La Bande-Annonce
Réalisation: 14/20
Fragments of Him offre une quasi-absence de couleurs vives et tire plutôt ses visuels vers le grisé pour accentuer l’effet « souvenir » voulu par les développeurs. Si ce choix est audacieux, le traitement des personnages, qui ressemblent à des mannequins artificiels de grandes surfaces, à de quoi nous interpeller en positif comme en négatif. Nous en tous cas, on adhère à cette patte artistique très particulière et empreinte d’une réelle sobriété, un peu comme le deuil en lui-même.
Gameplay/Scénario: 14,5/20
Si le gameplay de Fragments of Him est simpliste et que les choix de dialogue n’ont aucune incidence sur la fin du soft, la narration s’avère travaillée et le scénario terriblement poignant. L’idée d’opter pour des points de vue distincts autour d’un même événement tragique, à savoir votre mort, est excellente et propose un merveilleux message d’espoir une fois arrivé au clap de fin. Néanmoins, l’incroyable linéarité de l’ensemble pourrait en rebuter plus d’un.
Bande-Son: 20/20
La plupart du temps, le titre se montre assez silencieux dans ses mélodies pour mieux entendre les voix qui commentent, pensent ou se remémorent des instants passés avec vous. Pourtant, les rares musiques qui agrémentent votre voyage sont tout bonnement incroyables de douceur, et les doublages anglais suivent la tendance avec des comédiens ancrés dans leur rôle et parvenant sans soucis à vous faire passer d’une tristesse intense à quelques notes d’espoir salvatrices.
Durée de vie: 08/20
Comptez à peine deux heures pour terminer le soft, sans se presser ! C’est peu pour un jeu vendu à une vingtaine d’Euros, d’autant que la replay value est tout bonnement inexistante à cause de la linéarité du récit. Dommage, car on se laisse facilement happer dans l’univers de Will et ses cercles aussi bien familiaux qu’amicaux.
Note Globale N-Gamz.com: 14,5/20
Sassybot voulait nous faire réfléchir sur le sens et la brièveté de la vie, sans violence, tout en douceur, nous conviant à cette étrange « péripétie » qu’est le cours de notre existence. Et bien c’est réussi ! Fragments of Him nous offre un voyage jamais entrepris auparavant, au cœur de votre propre mort et de ce qu’elle implique chez vos proches, recréant petit à petit le fil de votre vie au travers des souvenirs de vos amis, de votre famille. Un indie game qui sort clairement de l’ordinaire et propose une vraie réflexion sur la perte d’un être cher avec de la tristesse, mais aussi de jolies notes d’espoir. Dommage que le périple soit aussi linéaire… et aussi bref !
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