Review
Deux ans après un Bound By Flame à l’heroic-fantasy maîtrisée, Spiders continue sur sa lancée Action-RPG de qualité en nous offrant The Technomancer, une « suite » directe d’un Mars : War Logs qui posait, il y a trois ans, les bases d’un univers SF Post-Apocalyptique complexe sur la planète éponyme. Avec un moteur de jeu visuellement upgradé, un scénario sombre, un gameplay amélioré et un background plus profond qu’il n’y paraît, le petit dernier du studio vient combler avec panache le fossé laissé par l’absence de Mass Effect cette année. Comme quoi, avec de la passion et des idées, on peut proposer un titre de grande qualité qui, même s’il ne rivalisera pas avec les ténors du genre développés à coup de gros billets verts, n’en demeure pas moins un excellent soft. Explications !
Petit à petit, l’araignée fait… son Action-RPG !
Spiders fait incontestablement partie des studios que l’on adore ici à la rédac. Créatifs, pétris de grandes ambitions, à l’écoute de leur public et capables de vous communiquer en quelques instants tout l’intérêt et l’énergie qu’ils ont pour leurs projets, ces petits « frenchies » se sont spécialisés dans le domaine de l’Action-RPG façon The Witcher ou Mass Effect. Alors certes, les moyens financiers et personnels sont différents entre cette boîte et des mastodontes tels que CD Projekt ou Bioware, mais au fil des jeux, l’équipe menée par Jéhanne Rousseau ne cesse d’améliorer sa copie, son moteur 3D, ses mécaniques de gameplay ou encore la densité de son récit pour nous livrer aujourd’hui The Technomancer, un Action-RPG d’envergure situé dans le même univers que Mars : War Logs, à ceci près que vous allez passer du côté obscur… de la Technomancie !
Zachariah est un jeune homme issu des quartiers pauvres d’Orphis, une « ville-dôme » martienne sous le joug d’Abondance, la première Corporation de la Planète Rouge, spécialisée dans la recherche et l’exploitation de la plus précieuse matière première qui soit sur cet astre : l’eau ! Hélas, depuis quelques décennies, des mouvements dissidents issus du cœur même d’Abondance, tels qu’Aurora, se sont également appropriés une partie des gisements aquifères et livrent une guerre sans merci à leur ancienne mère patrie, persuadés qu’ils détiennent l’unique vérité sur la façon de gérer cette planète totalement abandonnée par la Terre.
Au milieu de ces intrigues politiques et religieuses, une faction tire son épingle du jeu grâce aux pouvoirs innés de ses membres pour contrôler l’électricité générée par leur corps : les Technomanciens ! Zachariah est l’un d’eux, fraîchement nommé à la suite d’une épreuve quasi mortelle. Le souci, c’est que si chez Aurora, ces êtres supérieurs sont considérés comme des demi-dieux et respectés de tous, au sein d’Abondance ils ne servent que de bras armé contrôlé par un gouvernement pourri jusqu’à la moelle. En proie au doute et porteur d’un secret qui pourrait mettre à mal l’ordre des Technomanciens lui-même, notre héros va devoir fuir son foyer pour tenter ce que personne n’a jamais réussi avant lui : établir un contact… avec la Terre !
Mass Effect-like ou Spiders’ Touch ?
Si l’histoire de The Technomancer a le bon goût d’approfondir l’univers un peu trop survolé par Mars : War Logs, nous dépeignant une planète rouge livrée à elle-même, victime de la convoitise des corporations et de l’émergence de « mutants » bannis de la société, il réutilise aussi une bonne partie du gameplay du précité, mais aussi et surtout de Bound By Flame, la dernière production du studio Spiders. Ainsi, le système de combat opte pour trois postures interchangeables à volonté : guerrier, rogue et gardien, auxquelles s’ajoutent les pouvoirs classiques de Technomancie tels que le jet d’éclairs ou la surcharge. Chacun de ces styles apporte un gameplay spécifique : le guerrier manie un bâton à deux mains et touche de larges zones, le rogue empoisonne ses ennemis avec sa lame ou les abat à distance au pistolet et son taux de coups critiques offre de jolis meurtres silencieux, tandis que le gardien est le seul à pouvoir se protéger derrière un bouclier, sans parler d’une esquive commune aux trois rôles. Bien entendu, RPG oblige, ces poses de combat amènent avec elles un arbre de skills qui leur est propre, en plus de celui lié à vos pouvoirs « électriques », de sorte qu’il vous sera possible d’apprendre de nouvelles mais rares compétences actives, ou de très nombreux boosts passifs afin de forger votre personnage comme vous l’entendez. D’ailleurs, tant que l’on parle de personnalisation, sachez que vous ne pourrez incarner qu’un homme dans The Technomancer, ce qui pourra forcément déplaire à certaines joueuses (ou joueurs).
A côté de ce système de combat plutôt dynamique quoiqu’un peu bourrin et fouillis par moments, la faute à quelques soucis de caméra mais surtout à l’impossibilité d’incarner vos alliés ou de leur donner des ordres complexes, on retrouve un modèle de crafting sans prise de tête, vous permettant d’augmenter quelques caractéristiques des armes que vous récupérerez sur le cadavre de vos ennemis, ou de les recycler pour en tirer des matières premières utiles à d’autres customisations. Chaque modification est visible sur votre équipement, et le tout permet vraiment d’adapter ce que l’on porte à son type de jeu (plus axé sur la défense, sur les critiques ou sur l’esquive, …). Bien entendu, au lieu de les créer ou de les améliorer de toutes pièces, vous pourrez tout à fait acquérir des items et autres instruments de mort par le biais de marchands locaux contre un précieux « sérum » que vous pourrez grappiller au gré de vos quêtes, dans certains coffres mais aussi… en achevant les ennemis à terre! Attention cependant, cette action, quoique très lucrative, vous fera irrémédiablement perdre des points de bon karma… jusqu’à vous entraîner vers les travers obscurs de la Technomancie.
Du coup, la transition est toute trouvée pour vous parler de l’aspect scénaristique du jeu, qui se repose sur une histoire principale étalée sur une vingtaine d’heures ainsi qu’une bonne quinzaine d’heures de quêtes annexes. Si le récit de base réserve son lot de surprises ainsi que quelques twists de narration en fonction de vos actions et décisions durant vos dialogues (que vous pourrez d’ailleurs orienter par vos affinités avec la science, l’artisanat ou votre charisme naturel), les missions annexes se révèlent quant à elles agréablement variées et réfléchies, bien que l’on déplore quelques allers-retours malvenus. Mention spéciale à l’instauration d’un cycle jour/nuit utile à l’apparition de certains NPCs ainsi qu’à certaines missions à réaliser dans un laps de temps précis, idéal pour vous mettre la pression. Enfin, même si les relations entre vous et votre groupe sont loin d’être aussi poussées que dans les ténors du genre, elles ont au moins le mérite de proposer des romances et/ou trahisons crédibles.
Un Silk Engine encore plus… soyeux
Après avoir créé un moteur 3D assez robuste pour Mars : War Logs et l’avoir plutôt bien maîtrisé pour Bound By Flame, Spiders a upgradé son Silk Engine version Next-Gen pour nous offrir, avec The Technomancer, une réalisation plus que convaincante. Alors certes, vous n’aurez jamais devant vous des environnements qui s’étalent à perte de vue façon The Witcher III ou Dragon Age Inquisition, mais on se retrouve avec des décors travaillés, des villes de proportion raisonnable (quoiqu’agencées sur plusieurs quartiers séparés par des chargements un peu longuets), des textures détaillées, une animation fluide à 95% du temps et des effets de lumière et de poussières tout bonnement sublimes (la marque de fabrique des jeux Spiders). La modélisation des personnages principaux est très bonne également, ce qui n’est pas vraiment le cas des citoyens lambdas un peu taillés à la serpe et rigides dans leurs mouvements. On déplorera également des soucis de caméra dans certains lieux à l’architecture un peu complexe et une maniabilité de Zachariah qui aurait pu être plus souple. Par contre, on saluera le souci de mise en scène pour rendre le récit « vivant », avec quelques plans cinématographiques plutôt impressionnants, étrangement contrebalancés par d’autres bien trop statiques. Bref, The Technomancer fait mieux que ses aînés, mais la marge de progression par rapport à la concurrence est encore bien présente.
Sur le plan de la bande-son, le titre nous offre des musiques convaincantes qui collent à merveille à l’ambiance SF sombre de cette planète Mars abandonnée par la Terre. Nappes métalliques anxiogènes et rythmes s’accélérant de façon frénétique offrent un bon mix de base, mais les boucles des mélodies sont souvent trop courtes pour réellement devenir épiques. Parfois même, on se montrera lassé de cette répétition, dommage. Les dialogues, quant à eux, sont en anglais sous-titré français là où d’autres jeux du genre proposent un doublage de qualité full FR. Heureusement, la langue de Shakespeare ne représente jamais un frein au gameplay, et les prestations des divers comédiens principaux sont plutôt convaincantes, contrairement à celles des NPCs secondaires. Enfin, les bruitages ne souffrent d’aucune faute de goût. Du bon boulot dans l’ensemble, mais encore une fois il y a possibilité d’améliorer l’ensemble sur certains niveaux.
Parfait pour attendre Mass Effect : Andromeda ?
The Technomancer représente une excellente évolution de Mars : War Logs et Bound by Flame, améliorant petit à petit la recette de Spiders pour ses Action-RPG en proposant un système de combat plus poussé, une histoire plus longue et plus riche, une réalisation d’un très bon niveau et un crafting sans prise de tête pour une bonne trentaine d’heures de durée de vie au final. Bien sûr, le titre n’est pas exempt de défauts et souffrira forcément de la comparaison avec la saga Mass Effect, à laquelle il nous fait indubitablement penser dans ses mécaniques de jeu ou sa représentation graphique, mais il représente un très soft qui vous fera agréablement patienter en attendant un Andromeda que l’on espère tout aussi culte que ses aînés.
En l’état donc, The Technomancer est meilleur que ses grands frères du même studio mais se montre forcément en deçà des machines de guerre du milieu. Alors pourquoi ne pourrait-on pas rêver à un Spiders bénéficiant de plus de moyens humains et financiers, qui pourrait nous proposer le premier Action-RPG français capable de rivaliser avec du Bioware… Il n’y a qu’un pas, et The Technomancer nous pousse à y croire comme jamais!
Le Test Vidéo par Neoanderson
Réalisation: 15,5/20
Le Silk Engine fait des merveilles en termes de gestion lumineuse ou d’effets de poussière, et son upgrade lui permet d’afficher des personnages principaux plutôt réussis et expressifs visuellement, le tout sur une animation fluide 95% du temps. Le souci, c’est que depuis Bound by Flame qui nous avait impressionné à l’époque, les graphismes sur Next-Gen se sont considérablement améliorés pour nous proposer les paysages à perte de vue de Dragon Age Inquisition ou les villes bardées de vie de The Witcher 3. Du coup, les NPCs taillés à la serpe, les quelques lags, les cités un poil désertes, les loadings longuets et les environnements un peu étriqués de The Technomancer lui font perdre des points alors qu’il est visuellement meilleur que ses propres aînés. La concurrence est rude…
Gameplay/Scénario: 16/20
En optant pour l’univers atypique et terriblement immersif de Mars : War Logs pour lui donner un point de vue bien plus sombre et moins manichéen, l’histoire de The Technomancer tape dans le mille et se révèle passionnante de bout en bout, se payant même le luxe de quelques twists scénaristiques en fonction de vos décisions, de votre karma intérieur, de vos affinités avec les différentes factions en jeu ou encore des romances possibles entre les membres de votre groupe. Niveau gameplay, les combats conservent le système de posture de Bound by Flame tout en se montrant plus ardus et nerveux, tandis que le crafting se révèle plus simple d’accès mais toujours aussi intéressant. Enfin, l’aspect personnalisation est plutôt bien pensé avec trois types de points à dispatcher : talents (crochetage, charisme, science, furtivité, …), attributs (magie, force, constitution et Agilité) et compétences avec pas moins de quatre arbres bien fournis, même si on déplorera le faible nombre de skills « actives ». Bref, le côté RPG est bien présent… et l’action également.
Bande-Son: 15/20
Hormis les bruitages et sons d’ambiances qui sont irréprochables, la B.O. de The Technomancer a tendance à souffler le très chaud et enthousiasmant, comme un doublage anglais de qualité pour votre héros et les protagonistes principaux du récit ou des nappes sonores futuristico-anxiogènes vraiment immersives, mais aussi le très froid avec des comédiens pas vraiment dans leur rôle pour les second couteaux et des boucles de mélodies trop courtes, donc forcément répétitives. A ce niveau et malgré certaines compositions épiques qui sortent vraiment du lot, on a senti Olivier Derivière plus inspiré sur Bound by Flame.
Durée de vie: 16/20
Comptez une bonne vingtaine d’heures de jeu pour boucler l’histoire principale, avec une certaine replay value liée à vos choix, mais également une quinzaine d’heures de quêtes annexes, lesquelles ont le bon goût de se montrer plutôt variées et correctement scénarisées. Au final, la durée de vie est donc plus qu’intéressante pour un titre vendu 20 Euros moins cher que les ténors du genre (50€ au lieu de 70€).
Note Globale N-Gamz.com: 16/20
The Technomancer continue sur la voie de l’Action-RPG à la française tracée par ses aînés, en améliorant une recette qui a fait ses preuves au travers d’un scénario plus long et plus sombre, un gameplay plus nerveux, un crafting légèrement repensé et un moteur de jeu upgradé nous faisant profiter d’incroyables effets de lumière et d’une ambiance post-apocalyptique SF vraiment réussie. Certes, la comparaison avec des ténors du genre comme The Witcher 3 ou Dragon Age Inquisition tournera toujours en sa défaveur (environnements bien plus étroits, relations entre héros moins poussées, histoire moins épique, …) mais les moyens de développement sont moindres… et le prix aussi ! En l’état et au vu de ces éléments, le dernier bébé de Spiders représente donc une franche réussite et comblera de la façon la plus agréable qui soit le vide créé par le report du prochain Mass Effect : Andromeda.