Review
A Crowd of Monsters, petit studio de développement qui a débuté son histoire sur smartphone avec Sugar Kid, a décidé d’investir la Xbox One il y a quelque temps. D’abord avec Funk of Titans, passé carrément inaperçu, puis à présent grâce à Blues and Bullets. Un soft que l’on a pas vu venir mais qui nous a d’emblée tapé dans l’œil grâce à un design artistique terriblement marquant que Stendhal, Spielberg et surtout Frank Miller auraient adoré ! Ainsi vêtue de Rouge et de Noir, l’épopée d’un Eliot Ness à la retraite face à un groupe de serial killers machiavéliques risque de vous impressionner ! A n’en pas douter, la roue va enfin tourner pour les développeurs grâce à ce jeu d’aventure prometteur façon Telltale Games!
Incorruptible ?
A Crowd of Monsters s’éloigne clairement des univers colorés et rythmés de Funk of Titans, sa précédente production, pour nous livrer sa vision d’un « point & click » sauce Telltale, comprenez par là que vous contrôlerez directement votre personnage à l’écran par le biais de votre pad et pas d’un joli curseur, mais surtout que les choix, la notion capitale même des titres tels que The Walking Dead, Heavy Rain ou encore l’excellent Until Dawn (en test et vidéo-test ici), vont être mis à l’honneur dans une aventure qui se veut terriblement sombre. Pour tout vous dire, seul le rouge SANG arrive à se frayer un passage entre le noir et le blanc, idéal pour dépeindre ce polar empreint de mysticisme qui fait suite à l’époque de la prohibition aux U.S.A. ! Et si les fameux Incorruptibles reprenaient du service ?
Dans Blues and Bullets, tout commence avec un long traveling dans les entrailles d’une sombre grotte, sur fond de musique horrifico-mélancolique façon Silent Hill. On y découvre une petite fille crasseuse, enfermée dans une cellule morbide. Son but ? S’en échapper avec l’aide de son infortuné voisin de chambrée, un jeune garçon tout aussi apeuré qu’elle. On ne vous spoilera pas la suite de son destin, rassurez-vous. Après cette terrible introduction, vous allez rencontrer votre héros, Eliot Ness. Bien loin de son âge d’or qui l’a vu arrêter Al Capone et le mettre sous les barreaux durant une bonne vingtaine d’années, notre Incorruptible est à présent à la retraite. Il arrondit ses fins de mois en tenant un fast-food à Santa Esperanza, le « Blues and Bullets ». C’est alors que l’impensable se produit : Al Capone lui-même, fraichement sorti de taule, vous engage pour retrouver sa petite-fille, Sofia, kidnappée au sein-même de son internat. L’ancien mafieux, qui a exterminé tout le groupe de Ness avant sa chute, sait bien que son ex-pire ennemi est le seul à ne pas avoir appuyé sur la détente quand il avait l’occasion de lui faire la peau, motivant donc sa demande d’aide. Notre cher Eliott va donc enquêter sur cette sombre affaire d’enlèvement et mettre à jour un terrible complot qui pourrait bien lui coûter… la vie !
Enquêtons… mais pas trop
Blues and Bullets se présente donc sous la forme d’un Life is Strange ou d’une production Telltale, déjà de par son découpage en épisodes, cinq pour être précis. De plus, pas de curseur de souris ingame : vous dirigez votre personnage au joystick gauche, les angles de vue étant précalculés pour une mise en scène imposée. Tout ce qui peut vous être utile (objets, interactions, indices) apparaît sous la forme d’un œil rouge dont il suffit de s’approcher pour ensuite effectuer l’action requise (une seule possible en général : regarder, prendre, parler). Le jeu se veut excessivement linéaire et est bardé de murs invisibles pas toujours bien « cachés », dénaturant un peu l’immersion dans ce polar noir à l’ambiance assez incroyable. De fait, vous réussirez à atteindre quasiment du premier coup le « 100% » de Succès. D’un autre côté, il s’agit d’un titre à épisodes et ce premier volet se veut donc surtout introductif, se devant de poser les bases d’une histoire haletante. Il est donc normal qu’il soit assez limité dans ses déplacements. A noter que tout au long des treize chapitres que compte ce premier chapitre, le gameplay ira en s’enrichissant, avec notamment des phases d’enquête ou encore de gunfight, de même que certains choix chronométrés vers la fin.
Les choix justement, parlons-en : au nombre de cinq « capitaux » pour ce premier épisode, ils sont symbolisés, une fois effectués, par un barillet de sauvegarde et une indication apparaissant à l’écran, de même qu’ils deviennent consultables à la fin du chapitre. Pour le moment, on ne distingue pas de réel impact, mais encore une fois cela est tout à fait normal quand on connaît la logique derrière ce type de productions : vous montrer les conséquences de vos actions bien plus tard dans l’aventure. Mais il n’y a pas que l’aspect dialogue et choix dans Blues and Bullets. Comme dit plus haut, les développeurs ont voulu casser la monotonie de la parlotte à outrance en nous insérant des séquences de fusillades façon Time Crisis, avec mise à l’abri automatique. Votre personnage est visible et peut sortir de sa cachette sur simple pression de la gâchette, en même temps qu’il cible ses ennemis. Rien de bien difficile, les déplacements se font automatiquement, et il n’y a pas de bonus à récupérer ou de switch d’arme. Tout au plus peut on choisir d’exploser ou non des barils d’essence pour faire plus de dégâts. Il n’empêche : ces phases, mixées avec quelques QTE jamais bien compliqués mais rafraichissants, ont le mérite de nous divertir. A côté de ça, cet épisode nous offre une grosse séquence d’enquête dans laquelle vous devrez récolter tous les indices et les manipuler un à un pour découvrir les pistes possibles. Il vous suffira ensuite de remplir un tableau de déduction dans lequel l’erreur n’est jamais sanctionnée (pire, elle est indiquée) pour arriver à la conclusion logique de l’enquête. Espérons sincèrement que dans les chapitres suivants, ces phases soient plus ouvertes et permettent différents raisonnements à la façon d’un Sherlock Holmes : Crimes & Punishments.
Film Noir teinté de sang
Bien que la XBOX One soit largement capable de nous présenter des titres bien plus beaux, Blues and Bullets compense sa faiblesse technique (personnages taillés à la serpe, animation rigide, aucune performance capture, … bref on se croirait aux débuts de… la 360 !) par des filtres qui atténuent le trait des graphismes. De fait, on se retrouve en plein cœur d’un remake visuel de Sin City, à grands renforts de noir et blanc mâtiné de teintes rouges et de reflets à tout va (pluie, carrelage, rares rayons de soleil, lampe torche, …). Au final, si les débuts du jeu s’avèrent décevants tant on a l’impression de revenir 10 ans en arrière en termes de réalisation, le design artistique et la mise en scène grandiose de certains plans ne peuvent laisser personne indifférent. On est littéralement happé dans cette histoire où rien ne nous est épargné. Séquence de shoot enflammée et philosophique en plein cœur de structures qui ne sont autres que des mots-clés repris par la voix de Ness (Enfer, confiance, meurtre, …), hôtel construit à l’intérieur même d’un dirigeable surplombant une ville dont le côté Gotham City explose littéralement à la figure, cadavre empalé et énucléé à analyser, j’en passe et des meilleures. Une vraie plongée dans l’un des univers visuels et narratifs les plus sombres de ces dernières années, tout simplement.
Comme s’il fallait enfoncer le clou, la musique jazzy nous amène directement dans les années 50, et elle sait également se faire prenante, rythmée, voire même mélancolique ou carrément « évangélique » quand il le faut. Une réussite tout comme les doublages. En effet, les voix anglaises du casting sont parfaitement attribuées et aucune réplique ne sonne faux. Les réparties sont cinglantes, l’émotion est fidèlement retranscrite, bref on y croit et heureusement car les modèles 3D des personnages, et surtout leurs visages, auraient bien du mal à faire passer quoi que ce soit. Enfin, les bruitages comme le clapotis de la pluie ou les détonations des armes sont fidèlement reproduits. Un sacré voyage auditif.
Tirage à blanc ou trainée de sang à suivre?
A Crowd of Monsters a développé, avec Blues and Bullets, ce qui semblait partir comme un sous « The Walking Dead » avec une décennie de retard technique. C’est du moins l’impression que l’on a durant la première moitié de cet épisode introductif. Heureusement, les scénaristes arrivent à nous agripper dans leur univers à la patte artistique unique pour faire monter l’histoire en surprises et en tension avant un final qui n’appelle qu’une chose : la suite et vite ! Bref, ne vous fiez pas à votre premier avis, celui de votre première heure de jeu et croyez-nous, une fois ce cap passé, vous ne pourrez rester insensible devant une telle œuvre possédant sa propre personnalité et nous entraînant littéralement avec elle dans sa noirceur. On s’attache aux personnages, à leurs choix, à leur passé, et c’est là l’apanage des grands jeux d’aventure… du moins si les développeurs parviennent à garder l’intensité du récit et à renouveler le gameplay comme durant la dernière heure de cet épisode 1 !
Le Vidéo-Test par Neoanderson
Réalisation: 13/20
Bien que la XBOX One soit amplement capable de faire plus beau, force est de constater que les visuels intégralement en noir et blanc avec quelques touches de rouge sang accentuent le côté polar sombre de l’histoire. Les nombreux reflets et effets spéciaux donnent une vraie personnalité artistique à l’œuvre, façon Sin City. Même la séquence de fin, reprenant tous les personnages en une seule fresque, est redoutable de précision et d’émotions graphiques. Bref, bien que le titre arbore dix ans de retard technique en termes de modélisation et d’animation, le travail artistique derrière est phénoménal et nous fait oublier la relative pauvreté en polygones et la performance capture totalement absente.
Gameplay/Scénario: 16/20
Le gameplay est proche de celui d’un titre Telltale, même si les choix chronométrés ne font que tardivement leur apparition et que la linéarité est bien plus présente. Au départ, ça part très mal mais petit à petit, les développeurs nous révèlent de nouveaux atouts pour leur production comme des séquences de shoot ou d’enquêtes qui sont encore un peu trop encadrées pour le moment, tout comme les QTE bien trop simples. On sent néanmoins un réel potentiel, d’autant que le titre nous offre déjà cinq choix capitaux pour la suite, rien que ça. Enfin, le scénario est est passionnant et sombre, proposant un Eliot Ness tout à fait crédible, tiraillé entre son envie de vengeance envers Capone et le fait de vouloir résoudre l’affaire de disparition pour sauver la petite-fille de ce dernier. Un passé trouble pour un héros qui ne peut que nous intéresser.
Bande-Son: 20/20
Des musiques vintage à vous rendre nostalgique des 50’s et qui restent dans le ton de l’intrigue, passant par moment du jazzy à l’épique en passant par l’angoissant ou le lyrique, de quoi éveiller en vous des sentiments de désespoir, de solitude, de tristesse ou encore d’intense réflexion. Le casting pour les voix a, quant à lui, été soigné de telle sorte qu’on n’imagine pas les protagonistes avoir un autre timbre vocal que celui employé dans le jeu. L’immersion est totale, et ce ne sont pas les bruitages réalistes qui me feront dire le contraire !
Durée de vie: 14/20
En une après-midi, il est largement possible de finir ce premier épisode de Blues and Bullets, qui ne vous prendra normalement pas plus de trois heures à compléter. Bien entendu, vous pouvez le refaire pour modifier vos choix, mais ils ont très peu d’impacts sur ce chapitre. Il vous sera néanmoins loisible d’essayer toutes les nuances de dialogue pour vous imprégner encore un peu plus de cet univers dont on a hâte de voir la suite ! Et puis, pour un peu moins de 5 Euros, vous auriez tort de ne pas au moins essayer Blues and Bullets.
Note Globale N-Gamz.com: 16/20
A Crowd of Monsters laisse carrément tomber les genres qui l’ont cantonné à l’anonymat pour s’attaquer à un mastodonte du vidéoludisme actuel : le jeu d’aventure façon Telltale Games. Une sacrée surprise puisque le studio réussit amplement son pari de nous livrer une histoire intense, avec des personnages sombres et charismatiques, malgré une technique dépassée et des choix dont l’impact semble encore trop nébuleux pour le moment. La patte artistique et les visuels sont saisissants et nous rappelle Sin City sous bien des aspects pour nous immerger pleinement dans le scénario torturé imaginé par les développeurs. Une seule envie : connaître la suite !