Review
Etrangement catalogué Shojo alors qu’il pourrait tout à fait faire partie d’un catalogue Shonen-Seinen, Husk of Eden, édité par Doki-Doki, marche clairement sur les plates-bandes de « L’Attaque des Titans », de Hajime Isayama. Une ville à défendre, des invasions récurrentes et de nombreuses morts, voilà le pitch scénaristique de ce manga signé Kisaragi Yoshinori, un parfait inconnu ici mais qui oeuvre depuis de nombreuses années sur des Josei et des Shojo. Et vous savez quoi? Il se pourrait bien que le type gagne à être connu!
La Cité d’Eldorado, auparavant prospère, n’est dorénavant plus qu’un tas de ruines. La faute en incombe à une mystérieuse tour, le Tabernacle de la Ziggurat, qui réside en son centre et attire autant la haine que la convoitise de « rebelles » prêts à tout pour la détruire. Le gouvernement mondial (il faut croire que les dirigeants de la planète ont enfin réussi à s’entendre) ne l’entend pas de cette oreille et a décidé de longue date de protéger l’édifice en faisant stationner un contingent incalculable de soldats, issus le plus souvent de la misère humaine, dans la Cité. Le souci, c’est que le conflit dure depuis tellement longtemps que bon nombre de combattants ne savent même plus pourquoi ils se battent, ni même ce qu’ils protègent (ou veulent détruire). C’est justement le récit de ces personnes très souvent envoyées comme de la chair à canon que nous propose de suivre l’auteur avec un maître-mot: parvenir à vous lier à un « héros »… pour mieux le faire mourir! Le tout nous offre un récit haletant, sans aucun temps mort, mais qui souffre de la compréhension de son mécanisme une fois le second tome entamé!
En effet, dès que l’on a compris que le personnage mis en évidence dans chaque chapitre est voué à mourir, l’effet de surprise disparaît totalement, et le génie du volume 1, qui nous faisait presque verser une larme sur les sorts de Melka, le blondinet utopiste ou Ezer Macola, l’épéiste de génie, perd clairement de sa superbe. Ainsi, pour le tome 2, le lecteur sait clairement que si trois chapitres sont consacrés (titres en prime!) à Lily, c’est pour une bonne raison… et comme de juste ça ne rate pas. Bref, on a tout un cliffhanger scénaristique qui part en vrille. Heureusement que la galerie de personnages proposée est vraiment intéressante (même si les futurs « morts » ne sont pas assez fouillés) avec notamment les agents de liaison entre l’armée chargée de défendre Eldorado et les engeances gouvernementales, qui sont de vrais sadiques en puissance (la séance de torture psychologique mise en scène au début du tome 2 est, à ce titre, génialement mise en scène sans jamais tomber dans l’horreur). Sans parler de deux-trois idées diablement géniales telles que le dernier mur d’enceinte protégeant la Tour, composé de… non, on vous laisse le découvrir!!!
Mais si Husk of Eden a une carte à tirer du lot, c’est clairement dans la perfection de ses plans travaillés à l’extrême, chaque image fait mouche, la fluidité de l’action est incroyable et on rentre de suite dans le quotidien de ces soldat(e)s qui se sont engagé(e)s le plus souvent juste pour avoir un lit et de la nourriture. Les amitiés se nouent, les destins se croisent, et même si la série se clôture en quatre tomes, on sait que l’auteur peut encore nous réserver de belles surprises pour les volumes 3 et 4. Le tout bénéficie d’un chara-design d’excellente facture, d’une bonne représentation des décors, et d’un encrage sans anicroche. Bref, du bon boulot!
Vous l’aurez compris, avec sa technique difficile à prendre en défaut, son récit poignant (même si le tome 2 ne fait pas beaucoup avancer le récit, qui doit pourtant se clôturer en… quatre tomes!), ses personnages attachants en quelques plans seulement et l’horreur qu’il parvient à suggérer sans jamais tomber dans le gore ou la surenchère d’atrocités, Husk of Eden est incroyablement prometteur pour ses deux derniers tomes, qui nous réservent sans doute des révélations à la pelle et un rythme aussi soutenu que celui du volume 1 si le mangaka parvient à se renouveler dans son approche sans faire mourir systématiquement le personnage principal du chapitre en cours! A découvrir d’urgence quoiqu’il en soit!