Review

L’alcoolisme, ce comportement borderline qui vous pousse à vous transformer en un être totalement différent sous le couvert d’une surconsommation d’alcool. Un être agressif, solitaire et…dangereux, qui a inspiré de nombreux auteurs, ne serait-ce qu’au travers de Dr Jekyll & Mr Hide, sa plus belle transposition littéraire, qui part allègrement du concept de « boire » (en l’occurrence ici, une potion inventée) pour laisser libre cours à ses pulsions, à ses frustrations, à…cette autre moi qui sommeille en chacun de nous et qui nous fait si peur. Papo & Yo suit le même principe, à travers le regard d‘un enfant battu par cet être monstrueux que nous sommes tous capable de devenir potentiellement. Mais la vision d’un enfant a cela de bien qu’elle enjolive le contexte au travers d’une puissance dont le jeu se veut le plus fervent défenseur : l’imagination !

« Ce jeu est dédié à ma mère, mes frères et sœurs, grâce à qui j’ai survécu au monstre qui habitait mon père… (V.Caballero) » 

Le monde de Quico se modifie par la craie

Papo & Yo nous raconte l’histoire de Quico, un jeune garçon habitant un bidonville d’Amérique du Sud. Battu par son père qui a un penchant névrotique pour la bouteille, il se réfugie dans son monde imaginaire, là où il peut trouver, lui semble-t-il, un moyen de sauver son bourreau de sa terrible malédiction. Dans le monde de Quico, le quotidien triste de son habitat est ensoleillé par des dessins à la craie, des grenouilles multicolores, des visions poétiques et mélancoliques à la fois, mais surtout par la présence de…Monstre, alter-égo fantasmé de son propre père. 

Monstre, d’apparence assez effrayante, est en fait un véritable agneau auprès de Quico. Il l’aide à escalader des hauteurs, défoncer des murs, et lui facilite la progression dans cet univers onirique. Mais Monstre a un gros défaut : il raffole des grenouilles venimeuses. Hélas, dès qu’il en ingurgite une, il devient totalement fou de rage et n’a plus qu’une cible en tête : notre héros ! Quand le colosse est en colère, c’est tout le monde du jeune garçon qui s’altère et la quête pour la survie ne passe que par un fruit vomitif qu’il faut à tout pris faire avaler à votre Nemesis. Une bien belle métaphore des ravages de l’alcool et de l’enfance battue, mise en scène de main de maître par un Vander Caballero, le réalisateur du soft, qui signe ici une auto-biographie poignante. Attention, potentiel chef-d’œuvre en vue.

Frogger a intérêt à courir vite !

Monstre devient fou furieux dès qu'il mange une grenouille

Votre but consistera donc, dans ce jeu d’énigme à la troisième personne, à traverser un à un les niveaux qui vous séparent dela Tourdu Shaman, un endroit où le remède pour soigner l’addiction de Monstre doit se trouver, et ce aux dires d’une charmante jeune fille des bidons-villes qui manipule le tracé de craie comme un moyen de se téléporter ou de modifier le décor. Quico dispose, pour ce faire, des aptitudes de son compagnon « grenouillolique » à lui aménager des passages dans le décor, mais aussi de l’aide de Lula, son robot qui prend vie dans l’imaginaire fertile du garçon pour lui permettre d’actionner des interrupteurs trop lointains, ou de planer quelques instants. 

L’avancée à travers les différents environnements du jeu, du village précaire à la forêt en passant par les égouts et les vestiges d’un temple aztèque, se fait au moyen de mécanismes tracés à la craie sur le sol ou les murs. Quico dispose de la faculté de donner vie à ces dessins, pour, par exemple, créer un pont avec des maisons disséminées alentours ou encore faire apparaître un escalier sur la façade d’une habitation. Les commandes sont simples : sauter, attraper et lancer. Plus facile à prendre en main que ça, tu meurs. Le héros répond sans souci à nos injonctions et les énigmes s’étoffent énormément au fur et à mesure de votre progression, sans toutefois réellement poser problème pour qui sait être assez observateur. Les développeurs ont par ailleurs réussi à tenir le joueur en haleine grâce à des trouvailles de gameplay disséminées habilement durant votre périple.

Un début qui fait peur… 

Voir cette torsade de maisons bouger en temps réel est assez impressionnant

Et oui, mais pas dans le sens où vous l’entendez, façon survival/horror. Non, en fait, la première demi-heure de Papo & Yo est clairement rébarbative et…moche. Décors ternes, animation qui rame par endroits, tearing et gameplay répétitif et trop simple, il est clair que le premier contact avec le soft a de quoi rebuter pour un jeu à 15€ sur le PSN. Mais croyez-moi, il ne faut pas vous arrêter à ça, car une fois que Monstre entre en scène et que vous faîtes route vers la tour du Shaman, la direction artistique prend une tournure incroyablement poétique, bien qu’en deçà de la référence du genre : Journey. De même, les mécaniques de jeu s’étoffent et vous n’allez avoir de cesse d’être contemplatif devant certains visuels qui, même si le moteur souffreteux aurait pu leur rendre un plus bel hommage, n’en reste pas moins hautement symboliques et enclins à la poésie. 

C’est bien simple, voir une pile de maison que l’on dirige tel un serpent pour atteindre une structure trop élevée, diriger une tas de planche qui se munit soudain de six pattes dessinées à la craie, contempler des habitations qui se voient pousser des ailes pour se fondre en une masse métallique et rocailleuse qui vous emmène toujours plus haut, … tout cela à un côté si onirique qu’on a du mal à lâcher la manette, voulant toujours en admirer plus dans les visions parfois si spirituelles et métaphoriques de l’auteur. Le tout est souligné avec brio par une bande-sonore de haute volée, brassant allègrement des thèmes péruviens à d’autres plus mélancoliques pour un résultat qui comblera vos oreilles.

Une fin poignante, mais une rêverie trop courte 

Les énigmes se complexifient au fil de l'avancée

Papo & Yo vous fait voyager dans le monde des rêves, c’est un fait, et l’ingéniosité de certains de ses puzzles va vous procurer énormément de plaisir si vous êtes adeptes de ce type de soft. Le symbolisme atteint un haut degré pour qui aime déchiffrer des visuels éthérés pourtant terriblement ancrés dans une réalité malsaine. Hélas, ce voyage au bout de la psyché d’un enfant battu arrive trop vite à son terme. Trois petites heures, pas une de plus, pour un jeu à 15 Euros, c’est clairement trop cher. D’autant qu’aussi onirique que soit le périple, la technique vieillotte du soft nous rappelle parfois trop vite qu’il ne s’agit que d’un jeu. Si seulement les développeurs n’avaient pas rendu Quico invincible! Les respawn illimités et le fait de ne jamais pouvoir mourir sous les coups de Monstre enlèvent une bonne dose de l’aspect dramatique et de la pression qu’aurait dû ressentir le joueur face une histoire si glauque au départ. La note s’en ressent forcément, mais ceux qui se laisseront tenter par Papo & Yo vivront néanmoins une expérience originale et marquante, et c’est là l’essentiel, non ?

Le Video-Test

Réalisation: 11/20

Les textures sont assez basiques, surtout au début du soft, et l’animation n’est pas toujours très en forme. Cependant, ce côté technique un peu limite est rattrapé par une direction artistique éthérée qui vous entraîne, que vous le vouliez ou non, dans un « contemplationisme » plus qu’agréable.

Gameplay/Scénario: 15/20

Le Gameplay semble basique au départ avec ce personnage qui ne peut que sauter, tirer ou attraper des objets, mais l’arrivée de Monstre dans l’aventure et la prolifération des puzzles permettent de se creuser les méninges dans la joie et l’allégresse. Le scénario donne dans la métaphore et la fin est lourde de sens pour qui sait interpréter les nombreux signes envoyés par le soft. Troublant, jouissif et inoubliable.

Bande-Son: 16/20

Les bruitages sont anecdotiques. Par contre, les musiques sont absolument divines, mélange de sons tribaux, de mélodies sud-américaines et d’ambiances mélancoliques. Un régal pour les oreilles qui contribue grandement à donner son côté « rêverie enfantine » à Papo & Yo.

Durée de vie: 09/20

Trois heures, c’est peu, très peu, surtout qu’il n’y a strictement aucune replay value. On aurait aimé plus de profondeur dans les révélations en noir et blanc offertes par le soft, une quête de bonus pour des trophées ou autre, mais il n’y a rien hélas. Dommage car même si le titre vous fait vivre un conte dramatique éveillé, la fin arrive trop rapidement, aussi mythique soit-elle. A plus d’une dizaine d’euros le jeu, la note ne peut qu’être sévère.

Note Globale N-Gamz.com: 14/20

Papo & Yo rate le coche du jeu indispensable qui vous fait vibrer du début à la fin. Contrairement à un Journey, dont il copie certains des codes visuels, le soft n’arrive jamais à atteindre le génie du titre précité. Néanmoins, l’aventure faite d’énigmes à résoudre est très plaisante et empreinte d’un grand symbolisme pour un sujet qui prend aux tripes. Certaines séquences sont inoubliables, mais la durée de vie famélique et la non-rejouabilité plombent le capital sympathie du jeu. Il n’en reste pas moins que Papo & Yo est une expérience qu’il faut vivre au moins une fois pour qui se veut adepte de jeux de réflexion ou tout simplement de voyage original. Et puis il y a cette fin qui ne vous laissera pas indifférent. Cela vaut-il le coût de téléchargement du soft. A vous de voir.

 



About the Author

Neoanderson (Chapitre Sébastien)
Hardcore gamer dans l'âme, la quarantaine depuis peu, je suis le rédacteur en chef autant que le rédacteur de news et le vidéo-testeur de ce site (foncez sur la chaîne YouTube d'ailleurs). Amoureux des RPG nourri aux Final Fantasy, Chrono Trigger, Xenogears et consorts, je suis également fan de survival/horror. Niveau japanim, je voue un culte aux shonens/seinens tels que Ga-Rei, L'Ile de Hozuki, Orphen, Sprite ou encore Asebi. Enfin, je suis un cinéphile averti, orienté science-fiction, fantastique et horreur, mes films cultes étant Star Wars, Matrix, Sucker Punch, Inception et Tenet. N'hésitez pas à me suivre via mon Facebook (NeoAnderson N-Gamz), mon Twitter (@neo_ngamz) et mon Instagram (neoandersonngamz)!