Review

Annoncé l’année passée et depuis financé haut-la-main sur Kickstarter, Among The Sleep, le petit projet du studio norvégien KrillBite, avait réussi à nous mettre l’eau à la bouche, nous présentant un jeu qui se voulait original et plein de belles promesses. Forts de trailers assaisonnés à la sauce Oculus Rift, les développeurs ont su nous faire patienter et presque trépigner en attendant leur bébé. Sorti fin mai, le soft s’avère au final être une expérience vidéoludique intéressante, enrichie par un univers solide et original… mais qui aurait mérité quelques mois de travail en plus.

Au pays des cauchemars

Un jeu qui vous met dans la peau… d'un bambin!

Dans sa douce ritournelle dédiée aux bakers, Among The Sleep s’était voulu séduisant et efficace de par son gameplay et le personnage incarné. Dans le jeu vidéo, il n’est pas rare de retrouver une récurrence horrifique, une exploration des cauchemars enfantins pour confronter le joueur à des peurs enfouies depuis longtemps. Ici, nous sommes l’enfant, littéralement. C’est dans la peau d’une petite crevette soufflant tout juste ses deux bougies que l’on enfilera un petit pyjama à étoiles et que l’on parcourra les niveaux. Et qui dit bébé, dit… taille de bébé! Tout semble gigantesque dans ce jeu à la première personne, comme si le monde tel qu’on le connaît, nos repères, avaient été étirés jusqu’au plafond afin de paraître insurmontables. Il faut avouer que pour un bambin de deux ans, notre petit bonhomme est tout de même sacrément débrouillard.

Ainsi, niveau gameplay, il vous sera proposé de monter sur des meubles ou tiroirs, ou d’attraper et jeter des objets. Notre coco en culotte courte peut se carapater à quatre pattes mais aussi se dandiner maladroitement, bien planté sur ses petites jambes dodues de bébé. C’est ainsi que l’on pourra aussi étreindre Teddy, l’ourson qui accompagnera le joueur tout au long de l’aventure, à la fois pour se rassurer et pour baigner l’obscurité d’un peu de lumière (car oui, Teddy brille dans le noir, nom de Zeus). Simple et efficace, les mécaniques de jeu sont à l’image de la difficulté du jeu : pas folle mais pas banale non plus.

Besoin d’un câlin ?

La perspective employée est complètement inhabituelle pour un jeu à la première personne

Le scénario d’Among The Sleep était resté, durant son développement, particulièrement mystérieux. L’histoire commence par une scène d’anniversaire attendrissante où la petite maman de notre héros prépare un gâteau. La scène est interrompue par un intrus venant frapper à la porte et déjà là, on peut dire que ça sent le roussi. On fera, juste après, la rencontre de Teddy, l’ours en peluche doté de la parole, qui s’il semble être légèrement creepy au début de l’aventure, sera par la suite un réel repère pour le joueur (ainsi que le seul interlocuteur que l’on aura). La petite fête d’anniversaire tourne vite au cauchemar, et voici notre nourrisson embarqué dans une quête à la recherche de sa maman. Le tout en collectant des souvenirs d’elle éparpillés dans des niveaux plus glauques les uns que les autres.

Réalité ? Rêve ? Métaphore ? On vous laisse le plaisir de découvrir ce qu’il en est vraiment, pour ne pas gâcher la surprise. Ce qu’il est toutefois acceptable de dire, c’est qu’un point de vue intéressant du vécu de l’enfant et de son imagination nous est offert ici. Dommage qu’il ne soit pas un peu plus étoffé, ni même complètement poussé dans le survival-horror car clairement : Among The Sleep n’a pas le game over très punitif. Dans les rares moments où notre bambin passera à la trappe, on rappliquera pas bien loin de où l’on s’est trouvé en difficulté, et hop, c’est reparti. On dédramatise l’erreur, on n’est clairement pas dans une volonté d’apprendre par l’échec, juste « Okay, tu es tombé dans un trou/tu t’es fait attrapé, pas de chance ». Alors que jouer sur l’angoisse de la fin de partie inopinée aurait ajouté un peu de piment.

Les strates de l’imaginaire

Un Croque-Mitaine qui vous fera sursauter… mais pas trop

La courte aventure se déroule sur quatre niveaux, quatre univers dans lesquels il faudra découvrir les fragments de souvenirs afin de retrouver la maman. Ponctué de quelques énigmes pas folles et de phases d’exploration, chaque niveau a un design qui lui est cependant propre et qui réussit à nous foutre les miquettes sans soucis pour peu que l’on soit bon public. On regrette par contre les bugs de collision et l’aliasing dont souffre le jeu et qui sont bien trop récurrents pour n’être que de petits oublis. C’est d’autant plus dommage car Among The Sleep s’offre un style graphique original et soigné, flirtant entre la déformation de l’imaginaire et celle de notre taille.

L’horreur maintenant. Tout se joue énormément sur l’ambiance, sur les sons, les respirations, la seule voix de Teddy pour nous guider dans ce dédale psychologique. On croisera une espèce de Croque-Mitaine, inspiré de Slender, qui traquera notre poupon au moindre bruit qu’il fera, et ce plusieurs fois sur certains niveaux. Sinon, Among The Sleep se joue surtout de l’appréhension du joueur : qui se cache entre ces longs manteaux pendus ? D’où viennent ces horribles dessins peints sur les murs ? Qu’est-ce qui est réel ? Qu’est-ce qui provient de notre imagination ? Pour un joueur lambda (= quelqu’un qui ne restera pas 20min caché sous une étagère pour être certain que rien ne se passe, on parle de vécu ici), cette mécanique sera vite comprise et hormis l’appréhension de se faire attraper la couche par le Croque-Mitaine, on repassera sur l’épouvante. A nouveau, dommage car avec un univers basé sur les terreurs enfantines, il y aurait eu largement matière à créer un survival digne de ce nom et à laisser le joueur se glisser dans la peau d’un bébé (ou d’un personnage très faible à la Amnesia) et profiter pleinement de l’expérience. 

Un plaisir haut comme trois pommes?

Beau sur le papier, c’est sur qu’il l’était ce petit jeu indé. Malgré tout, on ressent un cruel manque de finition, que ce soit au niveau de la réalisation pure du jeu, qu’à celui du scénario partant d’un postulat intéressant et original pour nous laisser une sensation de bâclé. Sa durée de vie bien trop courte (entre 2h30 et 4h, c’est selon) et son prix bien trop élevé laissent un goût d’autant plus amer en bouche. Among The Sleep reste une jolie expérience vidéoludique à découvrir et à enrichir avec l’Oculus Rift, mais qui aurait du s’offrir le luxe de quelques mois de travail en plus.

La bande-annonce

Réalisation: 12/20

C’est joli, original et l’effet grandiose du gigantisme à la sauce bébé de deux ans est très bien restitué. On regrette par contre l’aliasing trop récurrent ainsi que les textures parfois douteuses et les bugs de collision trop présents.

Gameplay/Scénario: 12/20

Le gameplay est très bien pensé par rapport aux capacités très précises de notre petit personnage, ce qui est un plus et nous force à appréhender les niveaux de manière différente. Le scénario partait d’une excellente intention, avec des sujets très rarement abordés… mais au final traités de façon bien trop légère. Le fil de la métaphore qui accompagne l’aventure dès le début est aussi appréciable.

Bande-Son: 15/20

S’il y avait de la musique quelque part, elle n’aura pas marqué les esprits ! L’ambiance sonore par contre est excellente et angoissante au possible. Mais cette sensation de vide, uniquement comblée par la voix de notre ours en peluche ou par la comptine chantonnée par la maman aurait gagné à être accompagnée de musiques bien flippantes.

Durée de vie: 10/20

2h30 à 4h de jeu pour une facture de 15€, c’est presque abusé selon nous. (NdA : dans mon cas, j’ai mis 6h30 à arriver au milieu de l’aventure, car beaucoup trop peur, j’ai du me renseigner auprès de joueurs plus chevronnés concernant le « vrai » temps de jeu, donc cette donnée concerne surtout les joueur(se)s ayant l’habitude)

Note Globale N-Gamz.com: 12/20

Le problème d’Among The Sleep est qu’il a été tellement bien vendu lors de son projet de financement que les attentes ont été poussées à leur paroxysme. La douche est un peu froide quand on se trouve face à une aventure d’à peine 4h avec une réalisation digne d’une sortie d’école de développement. C’est d’autant plus dommage que l’univers et les sujets traités par le jeu sont originaux et passionnants. Among The Sleep aurait grandement mérité quelques mois de travail de plus afin d’étoffer son contenu, aussi bien côté scénario que mécaniques de jeu. Pas à jeter pour autant, on vous conseillera de prendre votre temps pour vous promener dans ces labyrinthes malsains accompagné de Teddy et d’apprécier la balade.



About the Author

Delilah
Étudiante en journalisme, je conjugue ma passion avec mon parcours scolaire et professionnel. Vous pouvez aussi me retrouver, dans le cadre de ma formation, chez Jeuxvideo.fr comme rédactrice. J’ai commencé à tâter du pixel très tôt, mon père étant lui-même joueur ... Mais mon premier « vrai » jeu a été Pokemon avec qui je continue de vivre une idylle passionnée. J’ai pu m’essayer à plusieurs styles de jeu, mais pour moi, rien ne vaut le RPG, l’action-aventure et … si on sait me convaincre (car je fais un peu la princesse) le FPS. Ne me parlez pas de Survival-Horror, je suis incapable d'y jouer, je prie toujours pour avoir une option générique dès le premier écran car même le menu me fait peur (mon voisin a peu apprécié peu mes hurlements sur Amnesia : The Dark Descent). Mais j'essaye, je retente l'expérience à chaque fois, je persévère !! Mon jeu culte est et restera Red Dead Redemption au point d’avoir un tatouage dédié à John Marston (mais je ne vous dis pas où, muahah), j’ai même arrêté de compter le nombre de fois où je l’ai fini ! Oh et useless fact : j’ai une passion bizarre pour les serial-killers^^.