Review
Diptyque inattendu made in Komikku, Fatima : Déesse de la Vie nous livre un conte à la fois sombre et féérique inspiré des Mille et une Nuits. Au programme : sable chaud, oasis, et surtout un être mystique à la fois charmante et redoutable, la sublime Fatima ! Une vraie bonne surprise comme on devrait en avoir plus souvent, et on vous explique pourquoi tout de suite !
Ville de Chaouen, en plein milieu d’une étendue désertique. Le jeune Utarid est contraint de reprendre le rôle de son père, mourant, à savoir être l’intendant de Fatima, une créature étrange à l’apparence de nymphe qui a la particularité de pouvoir localiser et faire jaillir l’eau qui se cache en sous-sol. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Fatima n’était pas retenue contre son gré, et ne se voyait pas jalousée par les villes avoisinantes qui ne tarderont pas à envahir Chaouen pour mettre la main sur elle ! S’ensuit un récit sanglant, poignant et non-manichéen dont vous ne ressortirez pas indemne !
Graphiquement, le travail réalisé sur ce Fatima : La Déesse de la Vie laisse rêveur. Déjà, l’œuvre qui tient en seulement deux volumes pour une histoire au rythme effréné nous accueille par quelques superbes pages en couleur. Quand la règle du noir et blanc reprend ses droits, les premières choses qui sautent aux yeux, outre le trait assez fin des personnages qui pourrait presque faire penser à du Clamp par moment, sont sans conteste les décors et le traitement qui leur est réservé. Ainsi, aucun trait n’est « droit » dans le background, tout est un peu distordu, et cela donne un côté éthéré assez incroyable à l’œuvre de Raika Mizushima, en plus de rendre le tout plutôt crédible puisque la chaleur a tendance à déformer notre perception des choses.
En dehors de cette excellente réalisation graphique et du rythme soutenu, on retient surtout de ce Fatima un scénario extrêmement mâture qui montre ce que les Hommes ont de meilleur dans leur cœur, mais aussi et surtout de plus sombre ! Le personnage de Fatima est assez inoubliable puisqu’elle est à la fois source de vie en trouvant de l’eau là où il n’y a que le désert, mais aussi véritable poison puisqu’elle génère indirectement autour d’elle un champ magnétique qui contamine petit à petit la psyché et la santé de ceux qui veulent la côtoyer de trop près ! Une dimension mystique à la fois envoûtante et malsaine qui nous empêche de lâcher ce diptyque avant d’avoir atteint son final tout simplement grandiose pour une morale qui nous poussera à réfléchir longuement.
Bref, avec son scénario passionnant, ses héros charismatiques, ses gentils qui n’en sont pas vraiment et ses méchants qui ont parfois de bonnes intentions, Fatima : Déesse de la Vie jouit en plus d’une patte graphique inimitable et d’un découpage idéal en deux tomes pour une intensité assez rare dans l’univers du seinen fantastique. Une rêverie éveillé, sanglante, violente, mais également belle et poétique. Un pur moment de bonheur, tout simplement.