Review
Quand Sony a annoncé, lors de sa conférence E3 2017, le Remaster de Shadow of the Colossus sur PlayStation 4, la salle a littéralement explosé de joie. Il faut dire que tout gamer ayant connu l’ère PlayStation 2 et s’étant essayé au titre de Fumito Ueda à l’époque de sa sortie, en 2005, en garde encore une trace impérissable tant le soft proposait des combats homériques et une direction artistique frisant le génie. Mais le Boss Battle poético-guerrier au gameplay minimaliste a-t-il encore sa place dans nos Open World actuels ? Oh que oui… et plutôt deux fois qu’une !
David contre… 16 Goliath !
L’introduction de Shadow of the Colossus est la preuve vivante que l’on peut mettre en place un background riche et des personnages poignants en moins de 5 minutes et… quasiment sans paroles ! Bardée d’une mise en scène brillante, l’histoire du jeu nous entraîne aux commandes de Wander, un aventurier solitaire qui cherche à ressusciter sa bien-aimée Mono, tuée parce qu’elle était « différente ». Pour parvenir à ce miracle, notre héros se rend, juché sur son fier destrier Agro, en plein cœur des Terres Interdites.
Là-bas, une puissante entité nommée Dormin, capable de redonner la vie, y est scellée par 16 colosses aux dimensions titanesques. Votre missions sera dès lors très simple: à vous de débusquer un à un ces gigantesques gardiens et les abattre à l’aide de vos seuls arc et épée de lumière… Vous l’aurez compris : Shadow of the Colossus est la définition même du mot « épique ».
Concernant la genèse du soft, il faut savoir qu’en 2001, Fumito Ueda donnait à la PlayStation 2 son œuvre la plus poétique : ICO. Un récit d’entraide poignant enrobé d’un habillage visuel qui l’était tout autant, pour un jeu aussi original qu’inoubliable. Fort de son succès, le génial créateur a eu le champ libre avec sa nouvelle équipe, la Team… Ico justement, pour nous pondre une suite spirituelle capable de faire cracher les tripes de la console. C’est ainsi qu’en 2005, le cultissime Shadow of the Colossus a vu le jour, fruit d’un développement extrêmement houleux.
Une œuvre qui, encore aujourd’hui, fait partie des plus beaux souvenirs de gamer pour qui a pu s’immerger à l’intérieur de son vaste monde, malgré un succès commercial loin des attentes de ses géniteurs malheureusement. Profitant de la mode actuelle des remaster, Sony a donc décidé de donner une nouvelle chance au titre grâce au talent de Blue Point, déjà responsable de la Uncharted : The Nathan Drake Collection, et cette fois…. vous n’aurez plus aucune excuse pour passer à côté !
Un gameplay épuré et viscéral
Si on devait résumer le gameplay de Shadow of the Colossus, on pourrait dire qu’il s’agit d’une succession de combats de boss construits comme de mini-énigmes, entrecoupée de longues phases de recherche à dos de cheval au sein d’un monde vide de toute âme certes, mais à la beauté naturelle saisissante. En effet, avant de pouvoir prétendre vous opposer au moindre colosse, il faudra d’abord découvrir sa tanière au moyen de votre épée, dont le rayon lumineux une fois brandie vers le soleil vous indiquera la zone où vous rendre… en règle générale toujours très loin de votre temple de départ. L’occasion de faire de longs voyages contemplatifs en chevauchant votre étalon et de vous imprégner encore un peu plus de cet univers si particulier, tout en récupérant le peu que vous offre Mère Nature histoire de booster votre vie et votre endurance : des fruits jaunes ou quelques queues de lézards fraîchement découpées.
Une fois le boss découvert, place à la seconde phase de jeu qui consiste à repérer son talon d’Achille, toujours au moyen du rayon de votre arme, et de trouver une tactique d’approche afin de pouvoir vous agripper à l’une des parties de son corps dépourvue d’armure. Pas toujours évident puisque chaque colosse dispose de ses propres attaques et d’une technique radicalement différente de l’un à l’autre pour espérer y voir une ouverture. On ne vous spoilera rien, mais la variété des stratégies est vraiment au rendez-vous et vous demandera un grand sens de l’observation, autant de votre adversaire que des décors environnants.
Un game design qui procure donc une sacrée jouissance quand on arrive enfin à repérer la faille et à s’accrocher à pleines mains à la fourrure du colosse, faisant entrer en jeu la jauge d’endurance qui se vide inexorablement tant que l’on n’a pas trouvé un endroit stable pour se reposer quelques secondes. On vous le donne en mille : sans endurance, vous tombez et certaines chutes peuvent faire mal, très mal… Un stress permanent donc, qui nous fait réfléchir au moindre mouvement, calculant notre trajet sur le titan en fonction de ses gestes essayant, tant bien que mal, de vous éjecter.
Un régal d’émotions, surtout quand on arrive enfin à lui planter notre épée en plein cœur de son (ou ses) points faibles, générant une giclée monstrueuse de sang noir avant que, meurtri par vos assauts incessants, le Colosse ne rende les armes dans un ultime râle aussi poétique que glaçant. Honnêtement, il faut le vivre pour connaître ce sentiment d’accomplissement incommensurable, et même de tristesse parfois, les géants nous rappelant tous un petit quelque chose d’humain ou d’animal, qui ne méritait sans doute pas de finir ainsi…
Un remaster aussi beau… qu’un remake !
Sur le plan visuel, si la direction artistique sublime de Fumito Ueda permettait à la technique bancale du jeu sur PlayStation 2 de passer au second plan, cette version PlayStation 4 est tout bonnement splendide ! Alors certes, on conserve quelques bugs de collision rageants, notamment à dos d’Agro ou quand on grimpe sur les colosses, ainsi qu’un affichage parfois un peu tardif de certains éléments du décor tels que l’herbe, mais l’animation est d’une fluidité hors norme, contrairement aux violentes chutes de framerate de l’opus originel.
La distance d’affichage a également été grandement augmentée, ôtant la brume utilisée à l’époque pour masquer l’environnement au loin histoire d’alléger le boulot d’une PS2 souffrant le martyr. Blue Point a aussi ajouté des tonnes de végétation, retravaillé complètement les effets de lumière et d’eau, remanié les textures et complètement remodélisé les personnages pour nous offrir un jeu qui, honnêtement, fait fière figure sur Next-Gen et vous poussera parfois à arrêter votre folle cavalcade juste pour le plaisir de regarder au loin et vous enivrer de cette nature qui a repris ses droits. A tout cela se greffe une bande-son magistrale où les musiques épico-guerrières se mêlent avec brio aux tremblements des basses générés par chaque pas d’un colosse. Grisant autant sur le plan sonore que graphique, et encore plus sur PlayStation 4 Pro où les devs vous proposent deux modes d’affichage : Performance et son 1080@60fps pour un confort de jeu optimal, et cinématique avec son 30fps stable et sa 4K Native qui magnifie encore un peu plus les visuels du soft.
Une œuvre intemporelle
Pièce maîtresse du jeu vidéo pour qui a pu s’y adonner, Shadow of the Colossus se pare d’un habillage Next-Gen qui fait honneur à la vision artistique de Fumito Ueda pour ce titre que tout gamer se doit de faire au moins une fois dans sa vie. Bien entendu, on pourra reprocher au titre ses étendues vides de quêtes annexes et sa durée de vie faiblarde (comptez 8h la première fois), mais le prix de 35€ et la replay value pour qui est adepte du Time Attack permettent de compenser cette faiblesse, sans doute la seule de ce chef d’œuvre qui vous marquera à vie une fois l’aventure accomplie.
Le Vidéo-Test
Réalisation: 18,5/20
Si on pourra trouver que certains éléments du décor s’affichent tardivement, que les environnements sont un peu trop vides de faune, que les bugs de collision de 2005 sont toujours présents ou que certains aspects de votre héros sont très légèrement anguleux, on ne peut que s’extasier pour tout le reste ! Le boulot accompli par Blue Point, déjà à l’œuvre sur l’excellente Uncharted : The Nathan Drake Collection, est titanesque et nous livre tout simplement la réelle vision de l’auteur pour son épopée mythique. Entre profondeur de champ impressionnante, foisonnement de la végétation, effets de lumière flattant la rétine et personnages totalement remodlisés, le plaisir visuel est total… et que dire des colosses qui sortent de ce lifting encore plus imposants et époustouflants qu’à l’origine. Du grand art !
Gameplay/Scénario: 18,5/20
Un scénario empreint de mysticisme et dont la mise en scène brillante fait de chaque parole une révélation lourde de sens, pour un final marquant au possible. Niveau gameplay, c’est l’épuration de ce dernier qui rend le titre si viscéral, vous procurant un extrême sentiment de jouissance quand vous terrassez l’un des colosses après avoir repéré son talon d’Achille. Observer le moindre mouvement de son opposant, gérer son endurance et choisir la meilleure voie à emprunter pour gravir ces titans est réellement grisant, tout comme la contemplation offerte par les phases à cheval. Dommage, par contre, qu’il y ait si peu à faire dans ce monde ouvert…
Bande-Son: 19,5/20
A la maestria visuelle s’ajoute une bande-son épique à souhait lors de vos affrontements, mais aussi extrêmement mélancolique et poétique durant vos errances dans l’Open World. Les doublages, quant à eux, sont reproduits dans une langue imaginaire du plus bel effet, mais ce sont surtout les bruitages environnementaux et les déflagrations des pas et attaques des colosses qui imposent le respect.
Durée de vie: 14/20
Comptez 8 heures pour votre première partie, ce qui est un peu décevant au regard des normes actuelles, mais le prix de 35€ permet de compenser ce bémol. Niveau replay value, à moins d’être un accro du Time Attack, vous risquez de ne plus revenir vers Shadow of the Colossus faute de quêtes annexes.
Note Globale N-Gamz.com: 18/20
Que vous l’ayez terminé ou pas dans sa mouture PlayStation 2, ce remaster de Shadow of the Colossus sur PlayStation 4 se doit de faire partie de votre collection, ne serait-ce que pour redécouvrir ce chef d’œuvre intemporel avec une réalisation enfin digne de la vision artistique de Fumito Ueda ! Oui, cet opus Next-Gen est bel et bien la version ultime d’un monstre sacré du jeu vidéo… alors pourquoi se priver ?