Review
Dans le cinéma d’horreur il existe des thématiques redondantes, des gimmicks souvent usés jusqu’à la corde mais qui, lorsqu’ils sont utilisés intelligemment, se retrouvent être véritablement surprenants. La thématique du deuil représente ainsi un objet d’ordre récurent dans le cinéma dit « de genre ». Il est alors plus facile pour le metteur en scène d’instaurer un climat de malaise et une peur intrinsèque au monde de l’au-delà. C’est sur ce chemin, pouvant souvent glisser dans l’abominable univers de la facilité scénaristique, que s’engage le film « The Door » réalisé par Johannes Roberts.
Le scénario de The Door nous plonge d’emblée dans un univers étranger et poussiéreux puisqu’il nous entraîne en Inde, paysage pratiquement inexistant du cinéma d’horreur hollywoodien. L’histoire se déroule dans la proche banlieue de Bombay, dans le cadre de vie d’une famille d’aisés expatriés américains. C’est là que nous rencontrons Maria, jeune mère souffrant d’une profonde dépression liée au décès de son fils, Oliver, dans un tragique accident de la circulation dont nous ne saurons jamais rien, étrange fatalité de l’existence. Tout au plus comprend-on que notre héroïne se sent responsable de la mort de son enfant.
Très affectée, affligée-même par un sentiment profond de culpabilité croissant, Maria tente de mettre fin à ses jours. Sauvée in extremis, elle est prise en pitié par la bonne à tout faire de la famille, Piki, qui lui affirme connaître le moyen d’alléger sa peine en lui offrant la possibilité de dire un dernier adieu à Oliver. Pour ce faire, il lui suffit de se rendre dans un temple situé au fin fond de la jungle indienne et de procéder à un rituel centenaire permettant d’entrer en contact avec le monde des morts. Maria pourra alors parler à Oliver à la nuit tombée, au travers de la porte close de l’édifice. Piki pose une unique condition pour lui indiquer comment réaliser pareil miracle : celle de ne jamais, en aucun cas et quoi qu’elle puisse entendre, ouvrir la porte du temple…
Si les ressorts du scénario apparaissent grossiers de prime abord ( on se doute bien que la mère de famille dévastée ouvrira les portes du temple et déchaînera l’ordre des choses… ), on se surprend néanmoins à se laisser porter par l’ambiance glauque et suffocante liée aux choix de mise en scène.
Situer cette histoire en Inde est d’ailleurs sûrement le choix le plus intelligent dans cette volonté d’instaurer une pesanteur moite et macabre tout au long du film. Ainsi, même les passages en journée, censés nous apporter un bref répit, se montrent aussi dérangeants que leurs homologues nocturnes ne sont stressants. De plus, le semi huis-clos, de l’histoire qui se déroule principalement au sein de la grande maison de maître de cette famille aisée, nous plonge dans le même isolement que celui auquel est confronté Maria et ne fait que renforcer l’impression de malaise. Nous sommes littéralement pris au piège durant les 1h36 que dure ce long-métrage… il n’y a aucune issue possible.
Pourtant, si l’atmosphère lourde et oppressante à souhait est une réussite, le récit multiplie les effets horrifiques inutiles, comme des jumpscares parfois inappropriés ou encore des montées en tension subites toute les dix minutes au point d’en perdre tout intérêt. L’utilisation du folklore indien est, quant à elle, assez mal amenée et il aurait tout aussi bien pu s’agir d’une légende celte ou amazonienne tant la légende et les imageries sont transposables à d’autres cultures. Au final, on se pose une question légitime: pourquoi avoir choisi l’Inde ?
Niveau ambiance-sonore, elle est semblable à celle de n’importe quel autre film d’épouvante, si ce n’est que les crissements de cordes typiques d’une montée en tension se montrent parfois ici à la limite du supportable tant l’oeuvre en est truffés. A part cela, on retrouve une bande-son honorable qui a le mérite de chercher à accentuer le côté sinistre de l’histoire.
Le jeu des acteurs, quant à lui, est satisfaisant dans l’ensemble. Ainsi retrouve-t-on, en mère inconsolable, Sarah Wayne Callies, l’horripilante Lori Grimes de The Walking Dead, qui s’acquitte à merveille de son rôle de femme désespéré à l’orée de l’hystérie. Pas de fausses notes de ce côté-là. On regrette juste que l’image du père soit aussi absente, voir carrément transparente, son rôle étant incarné par un acteur totalement inconnu au bataillon: Jeremy Sisto.
Dans l’ensemble, The Door est un film d’épouvante de bonne facture, qui a su peser sur la corde sensible du deuil et de la mince frontière entre rêve et réalité avec intelligence. Pourtant on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un scénario inoubliable ni qu’on y trouve une mise en scène particulièrement avisée. On regrette la surenchère de jumpscares qui, au final, ne nous font plus sursauter tant que ça. Toutefois, la scène finale du film parvient à lui faire tirer son épingle du jeu et on ressort finalement de la salle avec le sentiment d’avoir vu un vrai film d’épouvante, celui qui nous fait frissonner à la toute fin et qui nous plonge dans le doute alors que nous retrouvons pourtant notre confortable réalité.