Review
Après un « Réveil de la Force » qui avait réussi à faire revenir les fans de la saga dans les salles de fort belle façon (cliquez ici pour lire notre avis), Disney a le besoin de capitaliser un maximum sur la franchise Star Wars, et entend bien combler les vides entre deux gros épisodes historiques par des spin-off un peu plus intimistes. C’est ainsi qu’est né Rogue One, confié aux bons soins de Gareth Edwards (Godzilla), et qui va nous raconter comment les plans de l’Etoile de la Mort ont été volés et sont tombés entre les mains de la Princesse Leïa. Une lourde tache tant les adorateurs de la trilogie originelle se montreront intransigeants avec tout anachronisme de cette préquelle dont on connaît déjà la conclusion. Mission suicide ou porte ouverte, pour les années à venir, à de superbes histoires annexes « oubliées » de la licence ? Venez le découvrir dans notre critique 100% sans spoil puisque que tout ce que nous vous y dévoilerons fait partie des trailers !
Enfant, la combative Jyn Erso (Felicity Jones) a du être abandonnée par son père, Galen Erso (Mads Mikkelsen), un ingénieur impérial en cavale. Notre homme est en effet poursuivi par Orson Krennic (Ben Mendelsohn), le Directeur de l’Armement de Pointe de l’Empire, car il est le seul à pouvoir achever l’Etoile de la Mort, une arme spatiale de la taille d’une lune, capable de détruire une planète toute entière. Ayant grandi « à la dure » sous l’œil bienveillant du rebelle Saw Gerrera (Forest Withaker), notre héroïne a un chic certain pour se retrouver dans les pires situations. Bien entendu, elle ne pourra grandir de façon totalement anonyme. C’est ainsi qu’arrivée à l’âge adulte, la demoiselle va fortement intéresser l’Alliance Rebelle, qui voit en elle le moyen de retrouver la trace de son père et, ce faisant, de mettre la main sur les plans de l’arme impériale ultime. En plein cœur d’une guerre qu’elle ne comprend pas, elle va créer l’équipe Rogue One, une bande de mercenaires hauts en couleurs incorporant un chef du renseignement prêt à tous les méfaits, un Jedi aveugle et prophétique, un franc-tireur bien bourrin, un droïde à l’humour sarcastique et enfin un pilote impérial déserteur. Leur mission quasi-suicidaire est simple : voler les plans de l’Etoile de la Mort en plein cœur d’un complexe ennemi puissamment gardé et réussir à les transmettre coûte que coûte à l’Alliance, le tout entre les tirs de blaster, les trahisons, les manigances de Krennic et même… la colère de Dark Vador !
Techniquement, ce Rogue One s’inscrit totalement dans la continuité des films Star Wars depuis qu’ils ont été repris par Disney, à savoir l’utilisation autant que possible d’éléments réels, que ce soit pour les décors, les armes, les vaisseaux ou encore les droïdes, afin de donner un cachet « originel » propre aux épisodes IV-V-VI, bien loin du look totalement artificiel des opus I-II-III. Et encore une fois, le tout nous scotche littéralement à notre siège. C’est un vrai plaisir de retrouver l’aspect ancien, usité et crasseux des bases et autres X-Wings de cette Rébellion en devenir, le tout contrebalançant terriblement avec la froide propreté épurée des installations impériales. Pouvoir à nouveau se balader dans les ruelles poisseuses des spatioports rappellera également d’excellents souvenirs aux amoureux de l’épisode IV, de même que les étendues désertiques de Jedah, ensevelissant les vestiges des temples Jedi et de leur grandeur, feront frissonner les fans de plaisir. D’ailleurs on peut dire que ce Rogue One nous fait littéralement voyager, avec des planètes très nombreuses et au charme certain, chacune ayant une utilité propre à l’intrigue et se voyant suffisamment mise en avant pour s’ancrer durablement dans l’esprit du spectateur. Dépaysement garanti !
Niveaux effets spéciaux, ces derniers sont utilisés savamment, se montrant terriblement discrets lors des phases au sol, les explosions étant bien « réelles », tandis qu’ils s’en donnent à cœur joie lors des batailles spatiales, dont le dernier baroud d’honneur dure quasiment 20 minutes pour un résultat encore plus incroyable que dans « Le Réveil de la Force ». Mais si les étendues stellaires de Scarif nous livrent l’un des plus beaux conflits galactiques de la saga, ses plages nous proposent aussi d’incroyables scènes de guerre entre la Rébellion et les troupes impériales, à côté desquelles le Soldat Ryan passerait presque pour un débutant. Ça tire de partout, les quadripodes font froid dans le dos, les actions héroïques sont légions, tout comme les morts, et on ressort le souffle coupé de ces séquences qui ont le don de vous mettre au cœur de l’action.
Assurément l’une des grandes forces du réalisateur Gareth Edwards, choisi par Disney après son Godzilla assez bluffant dans ses titanesques scènes de conflits armés. En fait, le seul souci visuel que l’on pourrait reprocher à Rogue One, c’est d’avoir voulu trop bien faire en incorporant des personnages de la trilogie originelle, dont les comédiens sont 40 ans plus vieux à présent, en version totalement numérique. Alors certes, c’est de l’image de synthèse de très haute qualité, mais pour l’œil averti… ça se voit ! Fort heureusement, ces apparitions restent souvent fugaces et ne volent jamais la vedette aux vrais héros de ce spin-off, mais voilà, ça m’a chiffonné et parfois « sorti du film ».
A côté de son aspect graphique quasi inattaquable et du brio de ses séquences d’action stylisées, Rogue One se devait surtout de raconter une histoire ténébreuse, mature, où le sacrifice est omniprésent pour les valeurs de la Rébellion. Et si les teintes délibérément sombres du long métrage (à l’exception de la paradisiaque Scarif) se marient à merveille avec la répression et la peur malsaine de l’Empire qui est presque palpable tout au long du film, ce dernier va plus loin en nous montrant que cette fameuse Rébellion est loin d’être aussi juste et bonne que ce que l’on voulait nous faire croire : torture, assassinat et j’en passe font partie de l’institution pour un récit loin d’être aussi manichéen qu’escompté. On vous rassure, ça reste du « politiquement correct » mais cette maxime du « la fin justifie les moyens » est brillamment interprétée par le capitaine Andor Cassian (Diego Luna) ou encore un ultra charismatique mais hélas sous-exploité Saw Guerrera. On notera aussi l’absence totale de sabre lasers, Chirrut Imwe (Donnie Yen), le Jedi aveugle, combattant avec un bâton, sans doute car il n’a pas achevé sa formation avant que l’Empire ne tue son maître.
De fait, hormis quelques allusions à la Force et son existence tout juste suggérée et jamais montrée, l’histoire de Rogue One est terriblement humaine, à mille lieues des combats au corps à corps chorégraphiés au millimètre de l’épisode VII et de ce côté héros intouchable au grand cœur. Ici, ce sont des soldats, des personnages qui ont commis des atrocités, des mercenaires qui se battent au service d’une cause qu’ils « espèrent » juste car… l’espoir est la base de la rébellion ! Et mine de rien, voir de vrais humains et pas des « super héros » maîtrisant une puissance mystique élitiste, ça recentre le récit sur tout cet univers fait de guerres sanglantes, de prises de pouvoir armées, de trahisons pour survivre, … Très loin des (trop?) bons sentiments du « Réveil de la Force » qui, quant à lui, se devait de se rapprocher de l’épisode IV pour lancer une nouvelle trilogie. Bref, les amoureux des joutes mythiques entre Chevaliers Jedis en seront pour les frais et risquent, de fait, de ne pas retrouver cette petite touche magique et fantastique qu’ils recherchent, mais les autres seront comblés par ces protagonistes si proches… de nous!
Au rayon des doléances, on signalera également l’absence de certaines séquences phares des trailers (le speech de Forest Withaker ou le face à face Jyn/Tie-Fighter notamment), sûrement à cause du reshoot imposé par Disney en juillet dernier, mais aussi un début un peu longuet. Ce dernier se fait heureusement vite oublier passée la première heure, où les séquences anthologiques se succèdent à un rythme effréné pour un final inoubliable qui se relie directement aux cinq premières minutes d’Un Nouvel Espoir. Ok, il faut poser les bases du récit et en règle générale c’est plutôt pertinent mais dans ce cas, il aurait été bon de laisser un peu de place à Lyra Erso, la mère de notre héroïne, ou encore expliciter quelque peu le passé et les motivations de Krennic, grand méchant un peu trop transparent à mon goût, voire même accorder un peu plus d’importance à la relation qui lie Jyn à son père. En l’état, on a en effet du mal à comprendre comment cette demoiselle qui rejette aussi bien la Rébellion que l’Empire va subitement se prendre au jeu de risquer sa vie pour les besoins d’une Mon Mothma loin d’avoir la poigne qu’elle gagnera dans la trilogie originelle, à contrario d’un Dark Vador bien plus violent et véhément qu’espéré (et Dieu que c’est bon !).
Bref, Rogue One : A Star Wars Story est un excellent film de guerre futuriste, une solide préquelle à l’épisode IV, une œuvre bourrée de fan service comme on l’aime mais aussi un récit humainement poignant d’une Rébellion loin d’être aussi juste qu’imaginée. Néanmoins, avec sa première moitié un peu en deçà de nos espoirs, ses persos charismatiques mais parfois sous-exploités et ses très nombreuses références adressées aux fans et terriblement utiles à la compréhension, le bébé de Gareth Edwards est exclusivement taillé pour les amoureux de la saga, lesquels prendront un pied incroyable. Les autres, quant à eux, risquent de ne retenir que l’assaut final dantesque, et c’est bien dommage. Quoiqu’il en soit, et là je vous parle en tant que fan, Rogue One est à aller voir d’urgence et prouve avec brio que malgré l’abandon de l’univers étendu par Disney, les épisodes I à VI recèlent largement assez d’histoires annexes pour nous faire vibrer durant de longues, très longues années ! Prochaine en date : la jeunesse d’Han Solo !