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Rare: quatre lettres qui auront laissé des souvenirs impérissables chez toute une génération de gamers, en particulier les fans de jeux de plateforme. En 2D (Donkey Kong Country, Battletoads) autant qu’en 3D (Banjo-Kazooie, Conker’s Bad Fur Day), le studio anglais s’est imposé comme une valeur sûre jusqu’à son rachat par Microsoft en 2002, qui n’entraînera la sortie d’aucun titre réellement marquant.  Mais voilà qu’entre en jeu Playtonic, studio formé par des anciens de Rare période Nintendo 64, bien décidés à faire revivre l’esprit de Banjo et consorts dans un tout nouveau titre ayant battu des records lors de sa campagne Kickstarter; on vous invite donc à faire connaissance avec Yooka et Laylee.

Sus au capitalisme !

« Les fans de Rare seront aux anges »

Le gentil lézard Yooka et sa teigneuse amie chauve-souris Laylee coulent des jours paisibles et se réjouissent d’avoir mis la main sur un magnifique livre ancien, quand celui-ci se volatilise subitement ! La cause ? Capital B, vilain bourdon et « homme » d’affaires de son état, qui a mis au point une machine à aspirer l’énergie de tous les bouquins du monde pour en tirer un maximum de profit. Ni une, ni deux, le tandem se met en route et aura fort à faire pour contrer les plans machiavéliques du grand méchant et récupérer toutes les Pagies, des pages dorées dotées de personnalité, dispersées un peu partout.

Si Yooka-Laylee sait se montrer bavard, ce n’est pas pour étoffer un scénario on ne peut plus simpliste, mais plutôt pour mettre en avant une galerie de personnages peu avares en vannes bien senties (à ce niveau, préférez d’emblée la version anglaise si vous pouvez vous le permettre, la traduction française se montrant très inégale) déclamées sous forme de texte et d’onomatopées typiques de la franchise Banjo-Kazooie. Les similitudes ne s’arrêtent évidemment pas là, le soft de Playtonic se présentant comme une suite spirituelle au duo animalier ayant sévi sur Nintendo 64 (et Xbox 360, on a tendance à l’oublier). Au risque de faire passer Yooka-Laylee pour un décalque sans inspiration.

On ne prend pas les mêmes, et on recommence

« La récolte des Pagies sera votre leitmotiv principal »

Yooka-Laylee est un « collectathon », un sous-genre plateformesque qui a connu ses heures de gloire avec l’avènement de la 3D. La linéarité est ici totalement proscrite, les deux mots d’ordre étant exploration et collecte. Les deux héros devront franchir de nombreux obstacles, résoudre des énigmes, battre des boss et aider des PNJ pour récolter des Pagies qui serviront à débloquer de nouveaux environnements. En explorant la Ruche, le repère du grand méchant, vous tomberez sur des Grands Tomes (cinq au total), qui feront office de mondes à explorer, à condition  de les débloquer en déboursant vos Pagies durement gagnées. La structure du jeu mise sur la liberté des choix: avec votre pactole, vous pourrez soit développer un monde existant et ainsi en dévoiler tout le potentiel et toutes les quêtes; ou au contraire choisir d’explorer chaque Grand Tome l’un à la suite de l’autre avant de les développer.

Évidemment, les compétences de base des deux mascottes ne seront pas suffisantes pour tout découvrir d’une traite, vous obligeant à récolter des plumes que vous devrez ensuite dépenser chez Trowzer, le serpent à pantalon (!). Les compétences qu’il propose dans sa boutique iront de l’invisibilité à la possibilité pour la chauve-souris de planer ou de tirer un rayon sonar capable d’étourdir les ennemis et révéler des secrets, chaque pouvoir permettant d’atteindre des zones auparavant inaccessibles, à la manière d’un Metroidvania.

Cette liberté fait que l’on progresse de manière fluide dans le soft, en favorisant les défis qui sont à notre goût. Hélas, la déception risque d’être amère une fois arrivé devant la porte du dernier boss sans avoir récolté 100 Pagies (sur 145 au total). Une barrière était forcément à prévoir pour ne pas voir se terminer l’aventure en une poignée d’heures seulement, mais c’est à ce moment précis que les défauts du jeu commencent à vous sauter violemment au visage.

Y’a un lézard

« Les mini-jeux sont jouables en multijoueur, au risque de perdre vos amis »

Dans ses meilleurs moments, Yooka-Laylee est un régal pour tous les amateurs de jeux de plateforme: le tandem se dirige au poil, la caméra ne se montre pas trop capricieuse à quelques exceptions près et on retrouve des sensations que l’on croyait laissées dans le passé.

Mais à de très nombreuses reprises, le soft de Playtonic sait également se transformer en parcours du combattant, et l’obligation d’accumuler les Pagies nous force irrémédiablement à enchaîner les phases que l’on aurait préféré garder bien loin de nous. Les combats de boss, par exemple, sont d’une mollesse et d’une longueur décourageantes; heureusement, ils sont peu nombreux. Plus embêtant, vous vous retrouverez régulièrement à tourner en rond à la recherche de ces fichues pages dorées, la faute à une marche à suivre qui manque parfois sacrément de clarté.

Dans un souci de variété, les développeurs ont également cru bon de dévier de la plateforme pour proposer d’autres types de gameplay. Dans la majorité des cas, grand mal leur en a pris: on citera par exemple un parcours de golf spatial vous obligeant à guider une énorme balle à la physique capricieuse le long d’un parcours bourré d’ennemis et de précipices; le genre de phases qui constitue le degré zéro du fun. Et si vous aviez horreur des parcours en chariot de mine chez Donkey Kong, apprêtez-vous à souffrir. Même constat pour les mini-jeux du dinosaure Rextro, que vous devrez subir à deux reprises si vous voulez récolter toutes les Pagies, d’un ennui mortel. Preuve du manque de recul de Playtonic à ce sujet, le studio a cru bon rendre ces mini-jeux disponibles en multijoueur à partir du menu principal. Si vous voulez perdre des amis, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Un chara design… cauchemardesque

« Le character design est franchement douteux »

Le character design fait également partie des gros problèmes du soft. Si la réalisation graphique est léchée et que chaque monde est soigné et dispose de sa propre personnalité, les personnages sont d’une laideur rare. Les héros ainsi que le vilain Capital B et son acolyte Dr. Quack font partie des heureuses exceptions, mais pour le reste, vous aurez à faire face à une galerie d’énergumènes hideux au possible. La règle d’or semble avoir été: « mettez des yeux et une bouche à n’importe quel objet, donnez-lui un nom rigolo, ça nous fera un personnage« . Non, Playtonic, non: un panneau d’indication, un nuage ou un distributeur automatique avec des traits humains, si c’est traité par dessus la jambe, ça ne fait pas un personnage, mais une usine à cauchemars.

Et vu qu’ils s’expriment tous avec des borborygmes vite insupportables, situation empirée par le fait que certains dialogues ne peuvent pas être accélérés, l’attachement que l’on pouvait ressentir au premier abord pour cet univers singulier en prend un sacré coup. Musicalement, la nostalgie Rare marche heureusement ici aussi à plein régime, les habitués de la maison David Wise, Grand Kirkhope et Steve Burke s’étant joints à la fête pour un résultat efficace et dans le ton, à défaut d’être mémorable.

La perle Rare ?

S’il y a bien un domaine sur lequel on peut féliciter Playtonic, c’est sur le respect total de leur promesse d’offrir aux joueurs un bon gros collectathon comme on n’en fait plus et une continuation du travail accompli par rare avec la franchise Banjo-Kazooie. Il n’y a pas de tromperie sur la marchandise ici: si cette proposition vous fait frémir d’envie, Yooka-Laylee sera sans aucun doute fait pour vous. Mais en ayant à la fois gardé les qualités et les défauts de ce genre de productions, les développeurs ont pris le risque de diviser. Au moins, on ne peut pas dire qu’ils ne nous avaient pas prévenu.

La bande-annonce

Réalisation: 14/20

Le moteur graphique est solide et les environnements sont détaillés mais bon sang, que les personnages sont hideux ! La laideur qui les caractérise pour la plupart empêche malheureusement de réellement s’attacher à l’univers concocté par les développeurs.

Gameplay/Scénario: 13/20

On est ici en terrain archi-connu pour les fans de Rare, mais le peu de représentants du genre joue en la faveur de Yooka-Laylee, qui propose de vraies bonnes sensations pour les amateurs de plateforme. Quel dommage qu’en voulant à tout prix diversifier le gameplay, les développeurs ont cru bon d’inclure des séquences d’une médiocrité à toute épreuve. Niveau scénario, on notera quelques bonnes répliques, malheureusement gâchées par une traduction française maladroite.

Bande-Son: 14/20

Les compositions signées par des habitués des productions Rare sont efficaces, sans jamais marquer les esprits. Les onomatopées des personnages, par contre, risquent vite de vous exaspérer.

Durée de vie: 14/20

Pour accéder au combat final, il faudra récolter pas moins de 100 Pagies, ce qui vous prendra une grosse quinzaine d’heures. Quantité ne rime malheureusement pas toujours avec qualité; apprêtez-vous à pester contre le manque de clarté de certains objectifs entraînant de nombreux allers-retours interminables.

Note Globale N-Gamz.com: 13/20

Les groupies de Rare devraient dévorer ce Yooka-Laylee, qui possède assez de qualités pour les faire replonger le temps de botter les fesses de Capital B; les autres risquent malheureusement de lâcher prise avant de pouvoir y prétendre, la faute à un chara design douteux et une diversification du gameplay loin d’être pertinente pour un jeu de plateforme.



About the Author

Guib
Accro (mais sainement ; et oui, amis journalistes, c’est possible) aux jeux vidéo depuis le jour où j’ai reçu ma Super Nintendo accompagnée de Super Mario All Stars à l’âge de 6 ans, je suis passionné par les jeux de plate-forme, mais pas uniquement. Peu importe le genre, je suis surtout intéressé par les titres qui ont une âme et qui dégagent une réelle personnalité. Quelques-uns de mes jeux cultes : Yoshi’s Island, Beyond Good & Evil, Ico et les jeux Rockstar (oui, ça tranche avec le reste mais ces gars-là m’ont rarement déçu). J’ai aussi une petite faiblesse moins avouable pour les jeux nanars descendus par la plupart des testeurs, mais chut. Etant fan de cinéma fantastique et écrivant depuis quelques mois des critiques de films, j’ai eu envie de me diversifier et de me lancer dans le test de jeux vidéo, et me voilà !