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On le sait, quand Quantic Dream lance une démo technique pour montrer sa maîtrise du Hardware PlayStation, il en fait souvent un jeu. Ce fut le cas pour le mythique Heavy Rain notamment. Alors quand nous avons pu admirer l’incroyable trailer « Kara » sur PlayStation 3, on se disait qu’on allait vite découvrir sur console une bouleversante histoire d’androïde doté « d’humanité », et c’est aujourd’hui le cas, bien qu’il ait fallu attendre la PlayStation 4 pour que David Cage puisse réaliser sa vision artistique. Après un Beyond Two Souls mitigé, le Maître renouera-t-il avec le succès critique sur Next-Gen ? Assurément, même s’il continue à faire… du David Cage justement !

Oui, les robots peuvent nous bouleverser !

« Un monde où les androïdes sont loin d’être des enfants de choeur »

Detroit, 2038 : sous l’impulsion du génial inventeur Kamski et de sa société CyberLife, dont le Q.G. est basé dans cette mythique ville des Etats-Unis, des androïdes aux traits totalement humains ont peu à peu investi le marché des biens et services, chamboulant notre façon de consommer, mais aussi toute l’économie en remplaçant une bonne partie de la main d’œuvre humaine. Dans cette mégalopole où se mélangent désormais des gens ultra fortunés et une vague de nouveaux chômeurs qui noie sa détresse dans la drogue de synthèse, de curieux cas de robots ayant « déraillé » commencent à faire leur apparition. Menant l’enquête pour le compte de CyberLife aux côtés de l’inspecteur Hank, l’androïde RX-800 Connor va tenter de comprendre ce qui se passe au travers de sombres affaires criminelles.

Et si, contre toute attente, certains êtres artificiels étaient parvenus à s’éveiller à une « conscience humaine » ? Et si le « virus » se répandait ? Et si une rébellion, menée par l’étrange Markus, parvenait à émerger ? Voilà le postulat de départ du nouveau bébé de David Cage qui nous livre, en plus des destins croisés et contradictoires d’un flic garant de l’ordre établi et de son opposé anti-asservissement des machines, l’histoire bouleversante de Kara, une androïde qui va s’éprendre d’affection pour une jeune enfant battue, Alice. A tel point d’ailleurs qu’elle commettra un acte irréparable qui l’entraînera à fuir avec sa protégée… alors que nombre d’humains autour d’elle, apeurés, n’ont plus qu’une seule envie : détruire ces robots qu’ils ont créés et qui semblent dotés de leur propre vie.

Trois destins pour… des centaines de choix

« Connor, Kara, Markus… 3 destins bouleversants pour autant d’approches scénaristiques »

David Cage sait, depuis Heavy Rain (et Fahrenheit un peu avant, dans une moindre mesure), qu’il excelle dans les aventures narratives hollywoodiennes, notre homme ayant compris comment rendre un récit passionnant, même sur plus d’une dizaine d’heures et alors que le joueur passe la moitié de son temps à regarder le jeu plutôt que d’interagir avec lui. Comme le dirait Neo (autrement dit, moi) : « L’important, c’est le choix », et le boss de Quantic Dream l’a bien saisi en amenant, après un Beyond Two Souls qui s’était perdu en chemin, son Detroit : Become Human au top des possibilités décisionnelles, que ce soit dans les dialogues ou même dans la façon d’appréhender les innombrables séquences du soft, lesquelles nous font allègrement voyager de Connor à Markus, en passant par Kara pour autant de type de gameplay différents. Certes, on garde toujours la maniabilité à base de mouvements « réalistes » à reproduire au second stick analogique et d’actions/réponses à effectuer en un temps donné pour certaines phases sous pression, mais l’idée de mixer enquête (Connor), interactions/persuasions sociales (Markus) et course-poursuite tendues (Kara), ajoute une surcouche agréable de variété à la recette déjà éprouvées au fil des softs du studio Quantic.

« Une arborescence des décisions et répercussions poussée à l’extrême »

On note donc une arborescence de choix extrêmement poussée (et très lisible d’ailleurs) pour une bonne partie des séquences, avec des répercussion souvent très directes pouvant aller jusqu’à la mort d’un personnage ou le déverrouillage complet de nouvelles sections de jeu (mention spéciale aux fuites avec Kara, qui offrent beaucoup de possibilités dé résolution, confer notre vidéo-test). Mais on trouve aussi de nombreuses conséquences sur le très long terme, le jeu ayant pour originalité d’avoir inséré un système d’affinité avec pas mal de NPC que vous croiserez et même avec… l’opinion publique ! Augmentant ou diminuant en fonction de vos actions et de vos réponses, ces affinités vous permettront de vous faire de puissants alliés avec Markus ou, au contraire, de redoutables ennemis avec Connor si ce dernier mène son enquête de façon trop brutale. Idem pour la rébellion, qu’il faudra choisir de gérer de façon pacifiste ou non. Sachant par exemple que même Kara, que l’on pense pourtant isolée dans son périple, agira sur l’opinion générale des humains si elle décide de bouter le feu à une bâtisse pour aider Alice à s’échapper d’un sombre sadique… vous imaginez jusqu’où David Cage a été pour que votre aventure soit… unique.

« Des choix non-manichéens une une gestion des affinités qui façonne le récit »

Histoire d’enfoncer encore un peu le clou, Detroit : Become Human vous propose de rejouer à l’envie toutes les séquences de jeu pour vous prouver par A+B que son arborescence n’est pas là pour faire de la figuration et que oui, chaque choix compte bel et bien. Alors certes, avec son titre, Quantic Dream ne réinventera pas le genre de l’aventure narrative qu’il a contribué à rendre populaire avec Heavy Rain, contrairement à un The Council qui parvenait à y mixer des éléments RPG assez jouissifs. Ainsi, on retrouve, surtout dans la première moitié, des environnements faussement ouverts qui vous sanctionneront rapidement si vous sortez des clous par un joli ruban rouge vous interdisant d’aller plus loin, ou encore un déroulement de certaines séquences un peu trop « sur des rails » et un niveau d’interaction avec l’environnement volontairement restreint.

Cependant, force est de constater que le triptyque de Markus, Kara et Connor représente le summum de ce que David Cage voulait nous offrir dès le début : une histoire qui nous est personnelle et implique vraiment le joueur, le faisant réfléchir longtemps après le clap de fin sur de nombreuses questions existentielles. Le must ? Le soft est loin d’être manichéen et vous mettra assez rapidement face à de cruels dilemmes moraux, aucune option n’étant foncièrement bonne ou mauvaise (voler pour survivre, est-ce mal ou faut-il laisser mourir de faim une jeune enfant ?). Bref, Detroit nous met tout simplement… face à nous-même !

Visuellement… hollywoodien

« Un titre visuellement bluffant »

Avec cinq années de développement au compteur et le savoir-faire technique des studios Quantic Dream sur les plateformes PlayStation, on se doutait qu’on allait en prendre plein les yeux avec leur dernier bébé et on n’est pas déçu tant la modélisation des visages force le respect et les animations faciales sont criantes de réalisme, nous faisant passer sans peine les émotions qui parcourent le jeu en tous sens, allant de la révolte à la peur, en passant par le questionnement, la tristesse ou encore le désespoir. La maestria graphique ne s’arrête pas là puisque le soft jouit d’un haut niveau de détail et d’effets de lumière qui flattent la rétine, contribuant à créer une vraie ambiance autour de l’œuvre et à immerger pleinement le joueur, même si l’on pourra noter parfois quelques bugs de collision histoire de pinailler un peu.

Sur le plan sonore, le constat est tout aussi impressionnant avec des mélodies dignes des meilleurs blockbusters US, des bruitages crédibles à souhait et surtout un doublage français top niveau, les comédiens faisant littéralement « vivre » ces êtres cybernétiques rien qu’en quelques lignes de dialogue. Oui, Detroit se regarde autant qu’il s’écoute, et c’est un vrai plaisir.

Le chef d’œuvre de l’aventure narrative…

« La quintessence du genre, tout simplement »

… classique ! Car oui, Detroit : Become Human est bien la recette que Quantic Dream nous sert depuis Farhenheit, poussée à son paroxysme, que ce soit dans sa réalisation graphique, sa bande-son ou ses possibilités plutôt incroyables de choix et les répercussions qui en découlent. Le summum d’un genre, c’est un fait, et l’on ne doute pas que les détracteurs de ce dernier ne trouveront rien dans ce soft qui puisse les amener à changer d’avis dessus. Pour les autres par contre, ceux qui étaient en manque depuis Until Dawn et qui ont adoré Heavy Rain, Detroit est une perle rare qu’ils sauront apprécier à sa juste valeur, de longues heures durant à n’en pas douter.

Le Vidéo-Test par Neoanderson

Réalisation: 19/20

Hormis quelques bugs de collision, Detroit : Become Human est d’une redoutable beauté visuelle. Avec ses modélisations criantes de vérité, ses animations faciales réalistes, ses jeux de lumière intenses et sa direction artistique de haute volée, le soft de Quantic Dream va vous en mettre plein la vue dès les premières minutes pour ne plus vous faire lâcher l’écran des yeux.

Gameplay/Scénario: 15/20

C’est sans doute là que le bât blesse pour Detroit. En effet, si le récit en lui-même est inattaquable tant il parvient à nous tenir en haleine sur plus d’une dizaine d’heures et nous livre son lot de révélations surprises et de séquences émotionnellement chocs à un rythme savamment dosé, le gameplay est on ne peut plus… classique. Loin de réinventer le genre que ses développeurs ont contribué à populariser, le jeu en conserve ainsi les mêmes mécaniques, les mêmes environnements faussement ouverts et la même restriction d’interaction avec les éléments du décor pour un ratio spectateur/acteur de 50/50 qui déplaira forcément aux détracteurs de l’aventure narrative pure et dure. Il n’empêche qu’en offrant des choix à la pelle, une arborescence des séquences intuitive et complète, des répercussions loin de jouer la carte de la timidité, des dilemmes non manichéens et des phases d’action équilibrées comme il faut (exit les QTE à la milliseconde d’Until Dawn), Detroit Become Human est « juste » la parfaite synthèse, optimisée comme jamais, de tout un genre dans sa forme « classique », excusez du peu !

Bande-Son: 19,5/20

Mélodies hollywoodiennes allant de l’épique au larmoyant avec une redoutable justesse, doublage français absolument parfait nous faisant passer une foule d’émotions et bruitages crédibles instaurant une vraie ambiance, la bande-son de Detroit est une franche réussite.

Durée de vie: 18/20

Comptez quinze heures pour boucler l’aventure une première fois, et quarante pour tout voir tant il y a de choix possibles ! Une replay value énorme pour qui aime le genre.

Note Globale N-Gamz: 18/20

Detroit: Become Human est bel et bien ce que les fans d’aventure narrative attendaient de lui : une quintessence de tout un genre. Il ne réinvente rien, il ne rassemblera pas les réfractaires sous sa bannière, mais il propose une telle foultitude de choix, une telle réalisation haut de gamme et une telle implication émotionnelle du joueur que les amoureux du style « Quantic Dream » tomberont irrémédiablement sous le charme de cette épopée grandiose qui poussera les gamers à se questionner sur… ce qui définit le fait d’être vivant ! Oui, David Cage a encore fait du David Cage, diront certains, mais bon sang qu’il le fait bien ! Indubitablement LE chef d’œuvre de cet homme que l’on aime ou que l’on déteste, mais qui sait comment réaliser une histoire passionnante et marquante de bout en bout, manette en main.



About the Author

Neoanderson (Chapitre Sébastien)
Hardcore gamer dans l'âme, la quarantaine depuis peu, je suis le rédacteur en chef autant que le rédacteur de news et le vidéo-testeur de ce site (foncez sur la chaîne YouTube d'ailleurs). Amoureux des RPG nourri aux Final Fantasy, Chrono Trigger, Xenogears et consorts, je suis également fan de survival/horror. Niveau japanim, je voue un culte aux shonens/seinens tels que Ga-Rei, L'Ile de Hozuki, Orphen, Sprite ou encore Asebi. Enfin, je suis un cinéphile averti, orienté science-fiction, fantastique et horreur, mes films cultes étant Star Wars, Matrix, Sucker Punch, Inception et Tenet. N'hésitez pas à me suivre via mon Facebook (NeoAnderson N-Gamz), mon Twitter (@neo_ngamz) et mon Instagram (neoandersonngamz)!