Review
Avec Le Bâton de la vérité, Obsidian avait frappé un grand coup (dans les burnes) en transposant l’inimitable univers de South Park au sein d’un très bon RPG au tour par tour, taclant avec bonheur l’heroïc fantasy et rendant le meilleur des hommages au bébé de Trey Parker et Matt Stone, très impliqués dans le projet. C’est aujourd’hui, après de longs reports, Ubisoft San Francisco qui prend la relève avec l’Annale du Destin en remplaçant les guerriers, mages et elfes par de vaillants super-héros. La claque est-elle cette fois encore au rendez-vous ?
Plus grand, plus long et pas coupé ?
À la fin du Bâton de la vérité, le Nouveau (dit « Trouduc »), votre avatar fraîchement débarqué à South Park, avait su s’imposer dans la fameuse bande d’affreux gamins de la ville, de par sa grande maîtrise des pets (atout ô combien indispensable au combat, comme chacun sait). Ses gaz viendront encore une fois à la rescousse lors du conflit de petits super-héros confrontant Coon et sa bande, menés par Cartman, et les Potes de la liberté, comprenant entre autres Mysterion (Kenny) et le docteur Timothy (TIMMY !). L’objectif de chaque groupe ? Imposer sa franchise super-héroïque pour multiplier les films, reboots, remakes et spin off sur Netflix et au ciné et accumuler des brouettes de dollars. Ça tombe bien: un chat a disparu, et la récompense est de 100 dollars, un pécule venant à point pour le Coon et sa bande, pressés de tourner le pilote de ce qui sera, à coup sûr, LA franchise à succès qui écrasera toute la concurrence…
Fans de South Park, réjouissez-vous: si le développement a changé de mains, les vannes fusent toujours autant, les combats débilo-épiques se multiplient et les clins d’œil à la série sont tellement nombreux qu’il sera certainement impossible de tout repérer la première fois. Pour autant, si le jeu joue la carte de la générosité aussi bien au niveau des personnages contrôlables et affrontés, des quêtes secondaires (dont le recrutement de followers sur le réseau Coonstagram, qui vous enverront de temps à autres des messages) et de la durée de vie (la durée de la quête principale double carrément de volume), on ne pourra s’empêcher de le trouver un poil moins drôle que son prédécesseur.
L’impression de jouer à un long épisode la série est toujours aussi présente et c’est principalement ce que l’on demande au soft, mais en allongeant la sauce, Ubisoft San Francisco a pris le risque d’en réduire l’intensité, les premières heures étant principalement constituées d’allers-retours pas forcément folichons. Mais n’ayez crainte, le rythme va crescendo, allant vers la fin très très loin dans le grand n’importe quoi et le fan service maîtrisé. Il va sans dire qu’il faudra être fan de la série, et de préférence d’avoir suivi de près ou de loin son actualité, les références aux dernières saisons étant nombreuses, pour apprécier cet humour et cette patte graphique si particuliers. En ce qui concerne le gameplay, par contre, inutile d’être un aficionado pour aimer le système de combats au tour par tour, très soigné.
Prout toujours
Au lieu de reprendre bêtement les affrontements du Bâton de la vérité, les développeurs ont pris le pari de le métamorphoser pour rendre les joutes, qui se déroulent toujours au tour par tour, plus tactiques. Ainsi, les personnages peuvent désormais se déplacer sur le champ de bataille, découpé en cases. Chaque pouvoir occupe différemment l’espace; par exemple, une certaine attaque ne pourra toucher qu’un ennemi situé sur la case située à sa droite ou sa gauche, tandis qu’une autre occupera toute la grille ou frappera toute la rangée située devant son personnage.
Il faut aussi compter sur le fait de pouvoir repousser les opposants et ainsi tenter de les placer là où on pourra leur faire le plus de dégâts, ainsi que sur un paquet d’altérations d’état (saignement, dégoût/vomi, brûlure,…) pour survivre aux rixes, nombreuses et parfois intenses. Pour parvenir à vos fins, les QTE permettant de maximiser ses coups sont toujours présents et, à chaque dommage que vous encaissez, vous remplissez une jauge permettant de lâcher un pouvoir ultime, chaque personnage possédant sa propre attaque secrète.
Pour autant, nul besoin d’être un maître de la tactique pour botter des fesses, la courbe de difficulté laissant amplement le temps de s’accoutumer aux subtilités de la chose; et au cas où ça ne suffirait pas, le niveau de difficulté est paramétrable à tout moment. D’ailleurs, si on garde un grand respect pour les combats concoctés par Obsidian dans l’opus précédent, il y a de fortes chances que ce système, moins dynamique mais bien plus riche, gagne la préférence des fans. Le rythme des affrontements souffre cependant de certains bugs, dont des tours qui mettent du temps à se terminer et des scripts qui peinent à se lancer, sans compter quelques couacs sonores, comme une coupure soudaine de la bande originale lors d’une attaque (effet peut-être volontaire, mais très étrange).
Pas de soucis en revanche au niveau de l’exploration, là où Le Bâton de la vérité souffrait de nombreux bugs qui gâchaient de temps à autres l’expérience. C’est donc un plaisir de partir explorer la ville, plus vaste qu’auparavant, et de résoudre des petits puzzles environnementaux à base de gerbilles dans les fesses et de cerf volant propulsé par des prouts. Vous vouliez de la finesse, vous allez être servi.
Trop la classe
Mais avant de se lancer dans la mêlée, il va falloir sélectionner une classe parmi les trois disponibles au départ (complétées bien vite par d’autres choix), chacune disposant de ses propres capacités. Une des forces de la customisation du personnage est sans conteste la possibilité de piocher des capacités dans chaque classe pour créer le héros qui nous plaît vraiment, quitte à modifier ses pouvoirs avant chaque combat.
La montée en puissance se fait de manière classique, chaque niveau atteint vous permettant d’équiper un artefact de plus pour augmenter votre niveau de puissance générale et vos statistiques. Si votre personnage est hautement personnalisable, y compris visuellement (son apparence n’a en revanche aucune influence sur ses statistiques), il est bien dommage que vos alliés ne possèdent chacun que quatre capacités (trois normales et une ultime) sans aucune possibilité de modification. La liste de vos sidekicks est en revanche assez fournie pour vous permettre de varier les plaisirs, la composition de votre team étant là encore modifiable à la volée avant chaque affrontement.
Fidèle gastro
Les petits accros rencontrés en chemin, dont un combat final décevant, ne sont rien par rapport au plaisir ressenti face à cette retranscription fidèle de l’esprit South Park. Il est sans doute inutile de préciser que le rendu graphique est parfaitement en accord avec la série, mais on prendra un peu plus de temps pour exprimer notre enthousiasme pour la bande originale. Là où les compositions entendues dans le Bâton de la vérité étaient quasi exclusivement typées fantasy, celles de l’Annale du Destin jouent la carte de la variété et s’accordent parfaitement avec chaque type d’ennemi rencontré.
Rien de tel que défoncer du redneck sur fond de country, de rétamer les serveuses de chez Raisin sur une mélodie que n’auraient pas renié les Super Nanas ou d’affronter (SPOILER) sur une reprise à l’accordéon d’une chanson bien connue des fans. Mention spéciale au générique du menu principal, épique à souhait.
Pour rester sur la partie sonore, quelques mots à propos du doublage français: si vous avez suivi l’actualité du jeu, vous savez sans doute que, suite à des désaccords internes, les voix françaises ne sont pas celles des doubleurs officiels de la série. Ce changement étant immédiatement insupportable pour tout fan bercé par les timbres de Christophe Lemoines et consorts, on se réservera bien de critiquer le travail effectué par ces pauvres nouveaux doubleurs, jetés en pâture aux fans français, les seuls à ne pas bénéficier des voix officielles. Pas besoin donc de s’étaler là-dessus: jouez en VOSTFR.
Je vous emmerde et…
Au final, est-ce que L’Annale du Destin est aussi bon que Le Bâton de la vérité ? L’absence de l’effet de surprise dont avait bénéficié son aîné, le rythme moins soutenu dû à une aventure plus longue et un humour moins percutant auraient tendance à nous faire répondre par la négative. Mais pourquoi pinailler quand on vous propose d’être le héros d’un très bon épisode de South Park long de 15 heures qui régalera les fans, qu’ils aient vécu l’aventure précédente ou non. Et ça, ça troue le cul.
La bande-annonce
Réalisation: 16/20
Le style South Park étant ce qu’il est, on ne demande rien d’autre au soft que d’être fidèle à sa source, et c’est chose faite, admirablement par ailleurs. Si le jeu n’est pas exempt de petits bugs lors des combats, le bilan est tout de même beaucoup plus positif que pour l’opus précédent.
Gameplay/Scénario: 15/20
Le système de combat a été agréablement remanié pour laisser la place à une approche tactique, mais pas trop. On n’est pas là pour se prendre la tête, même si on appréciera toutes les petites subtilités des affrontements. Le scénario, bien débile comme il faut, prend un peu trop de temps pour vraiment décoller mais offre de bons gros moments de fan service qui feront mouche à coup sûr.
Bande-Son: 16/20
Plus variée que celle du premier volet, la bande originale s’adapte admirablement à chaque situation et type d’ennemi rencontré et passe avec brio d’un thème super-héroïque épique à souhait à de la country en passant par du gros rock qui tâche, toujours avec cohérence. Au niveau des voix, les doubleurs anglais originaux sont au rendez-vous, au contraire de leurs homologues français, hélas.
Durée de vie: 15/20
15 heures, c’est peu pour un jeu de rôles mais cela reste honorable pour un jeu à licence, surtout lorsqu’il est de cette qualité. Les plus acharnés auront fort à faire pour collectionner les followers, les œuvres d’art yaoi de Tweek et Craig et autres quêtes secondaires scénarisées, dont certaines valent vraiment le détour.
Note Globale N-Gamz.com: 15,5/20
Si l’Annale du Destin décevra peut-être les fans les plus ardents de son prédécesseur, c’est surtout parce que ce dernier avait mis la barre très haut pour les adaptations à venir. En l’état, le soft d’Ubisoft San Francisco est pourtant une réelle réussite qui engendrera, on l’espère, une suite tout aussi, voire plus, maîtrisée.