Review
On a failli ne pas y croire quand Nintendo Europe nous l’a annoncé, mais Project Zero 5 est finalement bien disponible sur les Wii U du Vieux Continent. Il faut dire que cette saga d’épouvante, qui a connu une trilogie épique sur PlayStation 2 avant de passer chez Big N, n’a pas vraiment tapé dans l’œil du géant nippon au départ, amputant même notre ferveur horrifique d’un excellent quatrième volet, exclusif à la Wii et jamais sorti chez nous. C’est donc dans un état plus qu’enthousiaste que j’ai pu agiter mon Gamepad dans tous les sens tel un appareil photo spirituel, dans le but de faire sortir la jolie Yuri des méandres démoniaques d’une montagne maudite. Hélas, bien que l’essence-même de la série soit palpable, tout ne s’est pas passé aussi bien que prévu…
Fan terrifié et fier de l’être
Pour moi, Project Zero est sans conteste la meilleure saga survival-horror de tous les temps. Oui, je sais, je commence fort mais il est incontestable qu’en misant sur les codes de l’épouvante à la japonaise façon Ring ou The Grudge, les titres de Koei Tecmo ciblent un public bien particulier à mille lieues des adeptes de Resident Evil et autres Until Dawn. Ici, la peur est plus subtile, plus constante, pour un résultat qui me parle beaucoup plus et me scotche à l’écran comme jamais. Aussi, quand Nintendo a confirmé sous nos latitudes la sortie du cinquième opus de la saga, exclusif à la Wii U, je ne pouvais qu’attendre fébrilement le soft. D’autant que le quatrième épisode, pourtant culte, avait été royalement boudé par Big N Europe. A présent, il est temps pour moi d’endosser à nouveau le destin d’une frêle et sensuelle demoiselle nipponne, de m’armer de ma chère Camera Obscura et de photographier à la volée des spectres démoniaques issus d’une sombre malédiction, le tout en pleine forêt folklorique japonaise… de nuit ! Vous êtes toujours prêt à me suivre ?
Dans Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires (LPDEN pour les intimes), vous incarnez tour à tour la timide Miu Hinasaki, fille de Miku, héroïne des volets 1 & 3 de la saga, à la recherche de sa mère, mais aussi le taciturne Ren Hojô, romancier qui veut découvrir la signification d’un rêve meurtrier dont il se voit l’auteur, et enfin la sublime Yuri Kozukata, jeune femme officiant dans une boutique d’objets anciens et qui a la particularité, grâce au « déchiffrage des ombres », de pouvoir visualiser les traces spectrales d’objets et de personnes disparues. Le chemin de ces trois héros va les conduire sur les flancs du Mont Hikami, plus connu sous le nom de « Montagne aux suicides » en raison du fort taux de morts intentionnelles qui y sévit. Bien entendu, et comme dans tous les Project Zero, il sera question d’un sombre rituel de purification qui a mal tourné et d’une entité démoniaque qui amène à elle les âmes égarées pour s’abreuver de leur souffrance… jusqu’à les faire passer de vie à trépas ! Tout un programme au sein d’un univers plus ouvert qu’à l’accoutumée mais toujours aussi flippant !
Dans la lignée du 4ème opus… qu’on a jamais eu !
Ce Project Zero 5 reprend d’emblée les bases de gameplay de la saga, à savoir nous proposer un jeu d’épouvante à la troisième personne dans lequel on dirige un personnage en général assez lent et de constitution fragile. Idéal pour faire grandir le sentiment d’insécurité chez le joueur. A noter que la vue proposée est située derrière l’épaule, un ajout plus immersif opéré par le quatrième volet… jamais sorti chez nous ! Vous allez donc devoir enquêter, en ramassant de nombreuses notes et en assistant à des scènes « fantomatiques », sur une série de disparitions qui touche votre entourage. L’atmosphère se veut pesante, empreinte de traditions nippones et de spectres issus du cinéma horrifique japonais des années 2000. En général, vous êtes cantonné à une sombre bâtisse, ou à un petit village et ses abords, mais cette « Prêtresse des Eaux Noires » prend pour cadre un terrain de jeu bien plus grand fait de forêts, de marécages, d’un hôtel en ruine, d’une demeure en bois pleine de poupées et d’impressionnantes chutes d’eau. L’eau qui joue d’ailleurs un rôle très important dans le gameplay puisqu’une héroïne trempée par la pluie ou une baignade dans la rivière du coin attirera irrémédiablement tous les spectres avoisinants ! De quoi bien flipper quand on voit les nuages s’amonceler au-dessus de la tête de nos jolies demoiselles.
Avec tous les environnements précités et même si le tout est plutôt balisé au début par une héroïne qui ne franchira pas certaines barrières « invisibles » sous prétexte qu’il ne s’agit pas de l’endroit où chercher, on ressent quand même un petit sentiment de liberté inédit dans la saga, et la carte qui s’affiche sur le gamepad ne sera pas de trop pour se repérer. Dommage donc que le titre, s’il enchaîne avec brio le point de vue de trois personnages comme dans l’excellent troisième opus, nous oblige à d’incessants allers-retours forcés entre votre boutique et la montagne, ce qui a tendance à vous faire revisiter trop souvent les mêmes lieux pour avancer un peu plus dans les ténèbres de la forêt. De même, les sauvegardes automatiques sont un plus très sympathique… mais les checkpoints sont bien trop éloignés les uns des autres par moments.
Souriez… vous êtes photographiés !
Mais la vraie star du jeu n’est pas le trio Miu-Ren-Yuri mais plutôt… la Camera Obscura ! Cet appareil photo spirituel se décline ici en deux versions aux maniements bien différents, l’un étant plus lent mais plus puissant, tandis que l’autre peut tirer quatre clichés en rafale pour des combos meurtriers ! Des combos ? Et oui, à la manière d’un jeu d’action, vous allez pouvoir enchaîner les prises de vue sur les pauvres spectres qui croiseront votre route, suivant un système de jeu intelligemment pensé… du moins sur le papier. Ainsi, votre appareil peut équiper différents types d’objectifs aux effets variés (figer un ennemi, le repousser, l’éviter) mais aussi des pellicules de plus en plus mortelles pour les poltergeists nippons. Survival oblige, ces dernières ne sont pas infinies, sauf pour la moins puissante, et demandent des temps de recharge plus ou moins conséquents. Le souci, c’est que les développeurs ont un peu trop saturé le soft de ces « munitions » dans le mode de difficulté normal, du coup on n’a pas vraiment tendance à les économise. Idem pour les potions de soin ou les braises, une petite nouveauté dans la saga qui vous permet d’enlever la souillure démoniaque (un état d’empoisonnement) infligé par une entité paranormale. Bref, le côté « survie » en prend un coup question inventaire… mais il se rattrape bien sur les combats, sans le faire exprès !
En effet, ce Project Zero 5 va vous faire utiliser le Gamepad comme si c’était un appareil photo. Vous devrez donc l’agripper fermement des deux mains en le tenant devant vous, à la verticale. Une façon peu orthodoxe de jouer mais à laquelle on s’habitue au final. Sur simple pression de la touche x, vous basculez automatiquement en mode photo à la première personne. Si un viseur est affiché à l’écran, les informations capitales comme le ciblage des spectres, leur énergie ou les points d’intérêts apparaissent uniquement sur votre Gamepad. A vous de le déplacer autour de vous, de vous retourner, de viser en l’air pour atteindre les fantômes et leur ôter leur énergie en vous servant de trois coups précis. Tout d’abord l’Instant Fatal, qui opère quand vous avez au moins cinq cibles dans votre viseur et fait de gros dégâts. On vous rassure, vous pouvez tourner votre Camera Obscura et dézoomer pour faire rentrer dans le cadre le spectre et les bouts d’entité qu’il lâche à chaque cliché réussi. Vient ensuite le Cliché Fatal, que vous déclencherez juste avant que le fantôme ne vous attaque (il est alors entouré d’un halo rouge pendant une seconde). Cette technique le repousse et permet d’utiliser le Moment Fatal, durant lequel vous tirez des photos à la volée sans utiliser la moindre pellicule !
Le souci, c’est que toutes ces subtilités de gameplay sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre en pratique. Vous allez en effet être souvent attaqué par plus d’un spectre, et ces derniers ont la fâcheuse tendance de disparaître juste avant que vous ne les « immortalisiez », pour réapparaître dans votre dos. Du coup, vous devez sortir du mode Camera Obscura pour vous retourner (avec une combinaison de touche bien galère), quittant donc votre Gamepad pour regarder votre télé et vous placer face au revenant, à bonne distance, puis revenir en vue à la première personne sur le Gamepad pour tenter de cibler votre opposant! C’est bien simple, même s’il est possible d’utiliser le stick de droite pour bouger l’objectif sans devoir vous mouvoir physiquement dans votre salon, il y a bien trop de manipulations et de changements de focale différents pour qu’on s’en sorte sans se faire siphonner la moitié de sa barre de vie. Rageant et d’autant plus dommage qu’en dehors des affrontements, la Camera Obscura est vraiment plaisante à utiliser, notamment lorsqu’il faut découvrir des objets cachés ou prendre à la volée un esprit éphémère inoffensif afin de gagner de précieux points nécessaires au boost de ses capacités (durée de recharge, puissance, etc…). Par contre, le prix desdites augmentations est vraiment abusé, vous obligeant à rejouer plusieurs fois certains chapitres pour accumuler assez de monnaie d’échange. Dernier bémol : le système de flèches pour repérer les interactions possibles avec des items ou le décor est complètement raté et vous renseignera parfois comme droit devant un élément situé… derrière vous. Étrange.
Dead or Alive 5 x The Grudge
Sur le plan technique, ce Project Zero LPDEN utilise carrément le moteur 3D maison de Dead or Alive 5. Un gage de qualité question modélisation des personnages et réalisme des visages, c’est certain, mais qui s’adapte un peu difficilement à l’environnement ouvert voulu par les développeurs du soft, un jeu de baston en arènes fermées n’étant clairement pas taillé pour un semi open-world. Ainsi, si les décors en intérieur sont en général superbes et détaillés, l’extérieur souffre de quelques défauts qui gâchent l’immersion comme deux-trois textures grossières, des bugs de collision, des mini-freezes qui débarquent sans qu’on sache trop pourquoi et j’en passe. Bon, au moins, on évite en pleine forêt les soucis de caméra qui surviennent parfois dans les couloirs des habitations fantomatiques. Passés ces désagréments, force est de constater que ce Project Zero est clairement le plus beau de la saga, notamment grâce à son grain d’image qui le rapproche par moment de Silent Hill 2. Les héroïnes sont justes à tomber avec leur beauté diaphane, les effets de lumière sont incroyables (il faut voir le soleil couchant lécher les cheveux finement ciselés de Yuri pour tombe directement amoureux de la demoiselle !), la gestion de l’eau – primordiale dans un titre qui est centré sur l’élément liquide en tant que malédiction – est impressionnante et offre de nombreux détails intéressants en interaction avec votre personnage.
En effet, l’humidité sur les vêtements ou les gouttes qui ruissellent le long de vos bras et de vos jambes sont autant d’indices qui, en plus d’être plaisants à regarder pour les plus otakus d’entre vous, indiquent à quel point vous allez attirer les spectres ou pas. Bien entendu, des tenues alternatives dont certaines très « hot » (la combinaison en latex bleu de Samus Aran, par exemple) ainsi que le boucing breast seront également de la partie, héritage DOA oblige on dirait… et on ne s’en plaindra pas tant les demoiselles sont irrésistibles à l’œil (comment ça, il y a aussi un homme dans le jeu ? Vous êtes sûr ?). De plus, un mode bonus mettant en scène la superbe Ayana est également accessible. Un côté fan service qui a depuis longtemps été revendiqué par la série et qu’on retrouve ici avec plaisir.
La bande-son, quant à elle, a toujours été une franche réussite dans la saga et celle de ce Project Zero 5 ne fait pas exception à la règle, que du contraire. Le doublage, que l’on peut choisir en japonais ou en anglais, est excellent à tous les niveaux et nous fait ressentir toute la fragilité émotionnelle des protagonistes malgré leur détachement apparent (on serait à leur place, on aurait fui la montagne depuis longtemps… mais vu qu’ils ont l’habitude de voir des fantômes depuis leur jeune âge, on comprend qu’ils soient plus zen). Les bruitages sont bien choisis également, avec quelques petits sursauts quand vous entendrez tomber au loin une statuette ou les feuilles d’un buisson s’écarter derrière vous… Effets garantis si vous jouez au casque ! Enfin, et je dirai « SURTOUT », le sound design ambiant est tout bonnement parfait ! L’atmosphère qui vous entoure est unique et vous plonge directement dans l’épouvante. Il n’y a pas de mélodies nettes à proprement parler, mais plus un ensemble de sons qui forment au final un épais filet de peur dans lequel votre personnage va peu à peu s’emmêler. On distingue ainsi, en tendant l’oreille : un bruit blanc récurrent (typique des télés possédées dans les films d’horreur), un koto dissonant, des petites clochettes issues du folklore nippon ou encore des sons étouffés… comme si les êtres ou les choses qui les produisaient étaient immergés dans l’eau… en train de se noyer ou de sombrer. Littéralement glaçant !
Bon survival … mais excellent jeu d’épouvante !
Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires aurait pu sans conteste devenir le meilleur segment de la saga s’il avait bénéficié de plus de soins dans ses environnements ouverts et d’un meilleur équilibrage du gameplay. L’utilisation du Gamepad comme d’une Camera Obscura est une excellente idée en soi, mais en pratique elle se révèle bien trop laborieuse en combat, entraînant une frustration qui nuit au plaisir de jeu. Néanmoins, passés ces écueils techniques et de jouabilité, le titre se révèle être un formidable jeu d’épouvante à l’ambiance visuelle et sonore unique, doté de personnages charismatiques et d’une originalité qui le différencie pleinement des autres softs du genre. Si l’horreur à la japonaise vous parle, on vous conseille amplement ce Project Zero Wii U, certes moins bon que le cultissime troisième épisode, mais immersif au possible et terriblement prenant.
Le Vidéo-Test par Neoanderson
Réalisation: 15/20
Le moteur de Dead or Alive 5 fait des merveilles sur les sublimes héroïnes de Project Zero 5 (bon d’accord… et sur le héros aussi, pfff) qui n’ont jamais été aussi belles et fragiles à la fois. De plus, il assure dans les environnements cloisonnés avec une foultitude de détails et des effets de lumière incroyables, sans parler de l’eau sous ses différentes formes qui se meut de façon réaliste, voire même malsaine, le long de votre corps et des éléments du décor. Malheureusement, en extérieur, la console peine parfois à afficher certaines textures et saccade même légèrement par moments, le semi-open world imaginé par les développeurs étant vraisemblablement trop gourmand pour la puissance de la Wii U.
Gameplay/Scénario: 14/20
Le scénario fait pas mal de liens avec le troisième opus, le meilleur de la saga, et a l’avantage de nous offrir trois points de vue sur les événements dramatiques qui ont eu lieu au Mont Hikami. Le gameplay en exploration, quant à lui, reprend les bases de la série mais utilise de façon plus importante la Camera Obscura pour dénicher des objets ou prendre en photo des réminiscences fugaces du passé sous la forme de spectres éphémères. On déplore néanmoins les trop nombreux allers-retours dans les mêmes environnements qui cassent le rythme de la progression, et l’obligation de devoir rejouer certains chapitres pour améliorer comme il se doit son appareil photo. De même, l’abondance des pellicules et objets de soins en mode normal ôte une partie du côté Survival du soft, qui subsiste néanmoins de façon involontaire à cause d’une jouabilité pas du tout adaptée et frustrante lors des combats, la faute à un Gamepad mal optimisé pour servir de Camera Obscura en pleine action.
Bande-Son: 18/20
Le sound design de Project Zero 5 est tout bonnement incroyable. Mix malsain de cordes dissonantes, de bruit blanc et de sons étouffés par l’élément liquide, il instaure une atmosphère unique à cet opus et nous plonge de suite dans l’épouvante voulue par les développeurs. Les bruitages sont dans la même veine et les doublages proposent le choix des voix japonaises ou anglaises. Un quasi sans faute, juste perturbé par l’absence de tout son émanant de votre héroïne (pas, cris, frottement) lorsque vous jouez intégralement sur votre gamepad… même avec des écouteurs. Bizarre.
Durée de vie: 16/20
Comptez une bonne dizaine d’heures pour finir le jeu, et bien plus si vous voulez photographier l’intégralité des esprits éphémères présents dans le titre, augmenter votre Caméra Obscura et vos objectifs jusqu’au niveau max et récupérer un S en note de fin de chapitre pour tous les segments du soft, sans parler des skins sexy et des missions d’infiltration avec Ayana!
Note Globale N-Gamz.com: 15,5/20
Project Zero 3 reste incontestablement le meilleur volet de la saga, c’est un fait, mais cette « Prêtresse des Eaux Noires » exclusive à la Wii U ne manque pas de qualités pour combler le fan de la franchise, à commencer par une réalisation somptueuse en intérieur, des héroïnes sublimes, des effets d’eau et de lumière qui flattent la rétine et un sound design immersif à souhait. Hélas, les errances techniques en extérieur et le gameplay bancal des combats en refroidiront certains, à juste titre. Pour les autres, l’aventure de ce Project Zero 5 est longue et vaut vraiment le coup de s’y investir si vous aimez l’épouvante à la japonaise !