Review
Les développeurs du très conceptuel Linger in Shadows nous offre un nouvel ovni vidéoludique avec Datura: un jeu d’aventure made in PSN totalement hallucinatoire où rêve et réalité s’entremêlent pour un résultat assez contradictoire…
Mais Docteur, il est en vie!
Pour ceux qui ne le sauraient pas (et ils doivent être nombreux), la Datura est à la base une plante aux vertus toxiques et hallucinogènes. La Team Plastic, développeur du soft qui nous préoccupe aujourd’hui, a décidé de partir de cette définition pour nous offrir un jeu où tout tourne autour des visions incompréhensibles du héros, en l’occurrence vous. Oui, vous m’avez bien entendu, le héros de cette aventure en vue interne n’est rien d’autre que vous, étant donné qu’aucune indication sur l’identité de votre avatar ni sur un semblant de scénario ne vous sera donnée dans ce soft résolument muet. Mais jugez plutôt.
Vos débuts dans Datura sont brutaux. Allongé sur un civière, dans une ambulance, vous retirez un à un les électrodes qui relient vos battements cardiaques au monitoring. L’infirmière qui vous suit ne percute rien de la manœuvre et, voyant vos signes vitaux faiblir sur son écran, entame direct un électrochoc avant de vous enfoncer une énorme seringue dans la cage thoracique…à vif! Sous la puissance du choc, vous perdez connaissance et vous réveillez quelques instants plus tard, groggy, dans une brumeuse forêts aux teintes automnales: Datura. Le trip métaphysique peut commencer.
Parle à ma main…!
Dans Datura, vous contrôlez…une main! Et oui, entièrement en vue interne, le soft vous donne la possibilité de manipuler, via la Dualshock ou le PS Move (on vous recommande ce dernier pour plus d’immersion), votre main droite ou gauche et d’interagir avec les divers éléments du décor de façon réaliste. Une porte fermée? Pas de soucis: approcher votre paluche de la poignée, saisissez là en pression la gâchette et mimer l’ouverture pour passer l’obstacle. Un concept utilisé en permanence dans le jeu et qui permet au gamer de vivre l’action plus intensément. Du moins sur le papier.
Oui car il faut bien le reconnaître, la reconnaissance de mouvements si précise du move sied mal à un soft qui vous demande par exemple de serrer quelque chose dans votre paume, et la profondeur est assez mal calibrée. Pour tout vous dire, j’ai dû m’y reprendre plus d’une dizaine de fois avant de trouver un calibrage qui me convienne. Du coup, l’immersion en prend un sacré coup et il n’est pas rare de recommencer plusieurs fois les mêmes gestes pour enfin réussir à saisir tel ou tel item. Fort heureusement, un système d’aide efficace a été mis au point et vous facilite grandement la vie. Ainsi, il suffira d’appuyer sur Triangle à proximité d’un objet interactif pour automatiquement focaliser votre point de vue sur ce dernier. Clairement bien pensé.
Un découpage particulier
Au niveau du gameplay, il a été simplifié à l’extrême: un bouton pour avancer, un autre pour reculer, un pour tourner sur soi et le dernier servant aux interactions. Les mouvements de tête et de mains se font via la reconnaissance du move ou le stick analogique. Plus simple, tu meurs, même si dans les fait la forêt de Datura vous mettra souvent des bâtons dans les roues avec ces micro-branches au sol qui vous empêchent de passer à tel ou tel endroit, vous obliger à une marche arrière fastidieuse. Graphiquement, le jeu s’en sort bien, avec un réel soin apporté aux arbres, aux feuilles et à tout ce qui peut rendre l’univers forestier plus réaliste (oiseaux, insectes, …). L’univers musical est assez particulier, avec deux ou trois musiques lancinantes façon Silent Hill qui collent plutôt bien à l’atmosphère étrange du lieu, et des bruitages qui font leur boulot, à savoir vous plonger un peu plus dans ce trip si particulier.
Mais ce qui va vous interpeller dans Datura, en plus du concept de diriger une main, c’est sa construction en elle-même. En effet, vous allez parcourir deux zones de jeu distinctes (dont vous pourrez griffonner la map via des bouleaux à toucher quelques secondes pour ressentir l‘inspiration), chacune comprenant 4 énigmes qu’il vous faudra résoudre pour revivre des flashs n’ayant aucun lien entre eux. Exemples: vous êtes en pleine guerre mondiale avec un coéquipier à sauver, vous courez sur le bord d’une piscine, vous vous retrouvez au volant d’une voiture et un cochon vous barre la route ou encore dans un combi de flic qui fait un crash, … Chaque flash peut se terminer de deux façons différentes: bonne ou mauvaise (symbolisée par des papillons ou des mouches), et l’aspect de la forêt ainsi que la fin du jeu seront directement influencés par le nombre total des choix moraux lumineux ou sombres que vous aurez fait. Hélas, j’ai eu beau refaire le soft quatre fois avec différents choix, j’ai malheureusement toujours obtenu la même fin, sur la dizaine différente promise par les développeurs…étrange.
J’ai rien compris…mais pourtant c’était fun!
Autant vous le dire tout se suite, il est quasiment impossible de comprendre un quelconque scénario à Datura. Là où Limbo et Journey permettaient une interprétation personnelle tout à fait valable devant leur symbolisme, Datura ressemble plus à un patchwork de séquences n’ayant ni queue ni tête, et je doute que les internautes fassent l’effort d’essayer d’y trouver un sens tant la narration est en tous points décousue.
Néanmoins, l’univers offert par le soft est prenant, surtout à la première partie, et vous voudrez vraiment aller jusqu’au bout de l’aventure pour voir le dénouement de ce voyage hallucinogène qui, s’il ne sera pas inoubliable, aura au moins eu le mérite de nous proposer une façon de jouer différente. Un Myst sous acide, sans le génie et la difficulté, mais avec la 3D en plus.
Le vidéo-test
Réalisation: 14/20
Le travail sur la forêt de Datura est très satisfaisant, même si un aliasing prononcé est présent. On apprécie les teintes automnales, les détails comme les insectes qui virevoltent, les oiseaux qui piaillent et la brume environnante assez réaliste. Néanmoins, le soft est loin d’être une tuerie technique et certaines séquences vous piqueront un peu les yeux.
Gameplay/Scénario: 10/20
Ne cherchez pas de scénario ou d’interprétation personnelle percutante à Datura: il n’y en a tout simplement pas. Le soft doit être pris pour ce qu’il est: une expérience particulière avec des séquences toutes plus floues les unes que les autres et une fin alambiquée. Niveau gameplay, le PS Move offre plus d’immersion que la manette mais la reconnaissance de mouvement est très imparfaite et vous fera pester quand vous devrez vous y reprendre par trois ou quatre fois avant de serer une simple balle dans votre paume… Fort heureusement, le système d’aide pallie en partie ce problème. Enfin, le découpage du soft en énigmes et flash apparaît trop linéaire et scripté.
Bande-Son: 14/20
Des musiques trop peu nombreuses mais qui mettent plutôt bien dans l’ambiance, avec des sonorités tristes et lancinantes. Les bruitages, quant à eux, sont tout à fait corrects et donnent vie à ce petit univers. Pas de voix, par contre, tout le soft étant résolument muet.
Durée de vie: 09/20
Comptez deux heures pour en faire le tour une première fois en recherchant tous les bouleaux. Par la suite, il vous faudra une cinquantaine de minutes au plus pour parvenir à la fin, ce qui est relativement peu, même pour un jeu PSN. Néanmoins, vous tenterez d’y revenir plusieurs fois histoire de trouver une autre conclusion que celle fournie de base…mais pour ma part cela s’est révélé être sans succès.
Note Globale N-Gamz.com: 11/20
Datura tient plus du voyage métaphysique que du jeu vidéo classique. Véritable production typée « art et essai », le soft commence par attiser la curiosité du joueur de part son univers particulier et sa gestion de la main qui épouse chaque objet de façon plus ou moins naturelle. Hélas, ce n’est que pour mieux décevoir son public avec une conclusion qui laisse sur sa faim et des errances scénaristique et de gameplay qui plombent le titre. Oui pour les softs à haut degré de symbolisme, mais quand il y a au moins encore un sens à comprendre! Néanmoins, l’expérience a le mérite d’être unique et la première fois que vous parcourez le jeu, l’effet de surprise vous fera oublier les défauts précités pour tout simplement apprécier cette balade forestière hallucinatoire.