Review
Ash J.Wright, détective privé tentant de démasquer les méfaits de Frame Burns, caid du trafic de drogue et de la prostitution, n’a vraiment pas de chance: condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, le voilà exécuté dès le début de l’histoire. Tout pourrait s’arrêter là si Ash n’avait pas un furieux désir de vengeance. Au vu de son passé houleux, un destin chez Satan était ce qu’il y avait de plus naturel, mais le Comité des Anges ne l’entend pas de cette oreille et va faire de cet être ténébreux, un redresseur de tort amnésique à sa solde.
Ash revient donc sur Terre sous la forme d’un « esprit de cendres », capable de matérialiser ce qu’il veut en se servant de la substance qui le compose. Supervisé par Angel, un être asexué ayant perdu ses ailes suite à une décision des instances célestes, il doit sauver des innocents d’un sort funeste afin d’avoir l’honneur d’être réincarné. Un faux pas, et c’est l’oubli du néant qui l’attend. Pour compliquer les choses, Ash est loin d’être indestructible et ne doit sa forme tangible qu’à la force de sa volonté. Si elle vacille, il disparaîtra à jamais.
Ce postulat de départ aurait pu (aurait du) donner une série de mangas plus que sympathique, mais le créateur de l’histoire, Avi Arad, producteur américain reconnu dans le monde du cinéma et du comics, ne l’entendait pas de cette oreille et a voulu donner un cachet cinématographique à son oeuvre. Résultat, un manga pour tout raconter…oui, oui, seulement un. Le scénario prend donc très vite de l’ampleur et Ash ne reste amnésique que quelques pages. Une fois la mémoire recouvrée, il va se lancer dans une vengeance aveugle face à celui qui l’a fait condamner, Burns, entraînant dans son sillage Angel, mais aussi Mira, soeur d’un innocent condamné à mort, et la somptueuse Rain, son ex-petite amie qui est également…l’avocate qui l’a défendu et qui n’a pu le sauver de la chaise électrique. Et comme tout anti-héros doit avoir sa Némésis, Avi Arad a créé le machiavélique Whirl, être humain capable de voir Ash et de le blesser.
Tout ce petit monde nous livre une prestation digne d’un long métrage hollywoodien. Rien ne manque: de l’émotion avec le trio Angel-Ash-Rain, de la noirceur avec l’organisation de Burns et la soif de vengeance de Ash, de l’action frénétique grâce au pouvoir des cendres et au terrifiant Whirl, aussi fou que dangereux, et un final de toute beauté où sacrifices et revirements de situations sont légions. Le dessin de Ko Yasung est superbe et les scènes de combat ciselées aux petits oignons. L’histoire se tient d’un bout à l’autre grâce au génie du découpage de Junichi Fujitsaku, qui a adapté de main de maître le scénario complexe d’Avi Arad.
Hélas, malgré cet océan d’éloges, il y a un point noir à The Innocent, son format de one-shot qui, au final, semble mal adapté à l’univers profond qu’il développe. Bien sûr, l’aventure ne s’essouffle en aucun cas grâce à l’unique volume que compte l’histoire de Ash, mais des dizaines de question restent sans réponses à la fin du manga. Rassurez-vous, rien qui ne soit gênant pour la compréhension du scénario, mais des zones d’ombres que l’on ne pourra jamais voir éclaircies: pourquoi Ash maîtrise-t-il le pacte du sang, quel était le but du Comité des Anges en le sauvant alors qu’il était condamné à l’Enfer, comment Angel a-t-elle perdu ses ailes, … et tant d’autres questions qui resteront à jamais lettre morte. The Innocent est donc, au final, un seinen plus que satisfaisant, mais qui laisse un léger goût amer une fois la dernière page tournée. Petit mystère additionnel: pourquoi avoir mis 6 pages blanches juste après le clap de fin de l’histoire…pourrons-nous rêver à une suite?