Review
Une bonne grosse claque… que dis-je… un bon coup de poing en pleine figure ! Voilà l’impression que j’ai eue à la lecture des deux premiers tomes du nouveau Seinen déjanté de Kurokawa : One-Punch Man! Il faut dire que l’éditeur mise un gros paquet sur l’adaptation en manga d’un web-comic dont personne n’a vu venir le succès au Japon. Sans aucune pression éditoriale puisqu’il était parfaitement inconnu, son auteur, ONE, s’est amusé à détourner les codes des Sentai et autres super de notre enfance pour faire de son personnage central un surhomme capable de tuer… en un seul coup de poing ! Et vous savez quoi ? Comme le dit si bien Saitama : « Etre trop fort, c’est super relou !».
Saitama s’ennuie fermement. Ce jeune homme chétif qui passait son temps à se faire tabasser en voulant défendre les autres en a eu assez de son quotidien. Il a donc suivi un entraînement rigoureux d’abdos et de footing pour devenir le super héros qu’il a toujours rêvé d’être. S’il a perdu tous ses cheveux en cours de route, il a néanmoins gagné une puissance incommensurable… même trop d’ailleurs. En effet, alors que le Japon est attaqué sans relâche par des créatures toutes plus abominables les unes que les autres, notre redresseur de tort au costume sentai ridicule n’arrive jamais à combattre plus de trente secondes puisqu’un seul coup de poing de sa part suffit à anéantir son ennemi, aussi imposant soit-il ! Le pire dans l’histoire, c’est que la population nippone ne le connaît même pas ! Dépité et blasé, il va trouver sur sa route le cyborg Génos, dont le désir de vengeance envers les monstres le poussera à devenir le disciple de ce cher Saitama. De fil en aiguille, notre improbable duo va tenter de retrouver l’origine des malheurs qui frappent l’archipel, le tout au travers de combats survoltés et… à mourir de rire !
Dire que le web-comic ONE, dessiné par l’auteur du même nom, a créé un vrai phénomène au Japon est un euphémisme. Sorti de nulle part, l’œuvre cumule à plusieurs millions de vues et la critique ne tarit pas d’éloges sur la fraîcheur et l’humour décapant des aventures de Saitama et de son élève. Tournant souvent en dérision le monde des Super-Héros nippons adulés dans les années 80, il était normal que ce ONE bénéficie d’une adaptation manga, menée de main de maître par Yusuke Murata, déjà à l’œuvre sur l’excellent Eyeshield 21. On retrouve donc d’emblée la griffe du mangaka dans les séquences d’action, dont le dynamisme laisse souvent le lecteur à bout de souffle tant le découpage est maîtrisé et la fluidité omniprésente. Avec un trait fin, précis et incisif quand il le faut, mais également de bonnes phases parodiques au dessin volontairement exagéré, ce One-Punch Man est un vrai « uppercut » graphique… et il n’a pas fini de vous donner des coups en pleine figure !
En effet, si l’enrobage visuel est irréprochable, la narration l’est tout autant avec un rythme soutenu du début à la fin, alternant juste quand il le faut entre grosses séquences de baston et gags désopilants. Génos tranche terriblement avec son maître, le premier étant l’archétype parfait du héros de Shonen qui a tout à apprendre et gagne en force au fil des combats, tandis que le second se joue habilement de toute contrainte et trouve souvent le temps long… quand il ne court pas au supermarché pour éviter de rater une promo sur les nouilles ! Et puis, en toile de fond, One-Punch Man livre un vrai questionnement sur la nature-même de Super Héros, la responsabilité de ses pouvoirs et cette perpétuelle quête de puissance qui vous isole de plus en plus, allant jusqu’à ne plus ressentir aucune émotion tant le cours votre vie héroïque devient monotone, sans challenge ni aucune peur. Une analyse terriblement intéressante qui ne tombe jamais dans le mélo, heureusement.
En conclusion, avec son dynamisme à toute épreuve, son dessin incroyable, ses héros atypiques et son propos passant allègrement du désopilant au plus sérieux (mais jamais trop longtemps), le tout dans une orgie de baston et de scénettes déjantées au possible, ce One-Punch Man fait figure de véritable OVNI dans la production manga actuelle, et bon sang que ça fait du bien ! C’est un peu comme si on avait mélangé, pour les plus anciens d’entre vous, le « Collège Fou Fou Fou » avec « Dragon Ball Z », en réduisant les affrontements fleuves à quelques pages et… un seul coup de poing ! Un mix improbable mais ô combien jouissif pour un Seinen que vous devez acquérir de toute urgence si vous voulez changer d’air et sourire toutes les deux pages !