Review
Quand Tommy Ohtsuka, l’auteur du fameux Slayers Knight of Aqua Lord (2003), s’attaque à un sujet historique, cela ne peut annoncer qu’une belle surprise ! Il faut dire que l’Histoire (avec un grand H) semble devenir la nouvelle source d’inspiration pour les mangakas. Ainsi, après Arte de Kei Okubo et son épopée italienne en pleine Renaissance, ce « Hawkwood » nous entraîne au beau milieu de la Guerre de Cent Ans. Un nouveau challenge pour les éditions Doki-Doki, mais vous allez voir qu’elles ne sont pas trompées sur le potentiel de ce manga !
XIVe siècle en province de Normandie, sur les terres du Royaume de France. Le prince Edouard, fils légitime du roi d’Angleterre, part en guerre contre le roi de France. Assiégées par les Anglais dans la petite ville de Carentan, les troupes armées françaises n’ont d’autre choix que de faire appel à des mercenaires pour les aider. Ces hommes sont de vrais spécialistes de la guerre et ils se montrent souvent prêts à tout contre une grosse somme d’argent. Dans leurs rangs, la célèbre « Compagnie blanche du corbeau » avec à sa tête un combattant audacieux et aux compétences stratégiques des plus affûtées, John Hawkwood ! Le plus grand mercenaire de tous les temps va devoir affronter le légendaire Prince Noir d’Angleterre. Qui sortira victorieux de cet affrontement au sommet ?
Graphiquement, le trait de ce Hawkwood colle parfaitement à cette histoire guerrière, nous immergeant autant par ses décors que par ses personnages dans cette atmosphère forgée dans le sang des batailles. On note une influence occidentale plutôt marquée dans la réalisation des visages des personnages : lignes durcies et yeux réalistes au programme pour un mélange de styles très agréable qui permet plutôt bien de différencier les intervenants du récit, même lorsqu’ils sont recouverts d’imposantes armures. Bref, on ne peut qu’être ébloui par le travail accompli par l’auteur sur chacune de ses pages, lequel attache une attention toute particulière aux regards mais aussi aux détails des scènes violentes, apportant une bonne dose de réalisme pour plonger le lecteur au cœur même du combat.
Le découpage des rixes, quant à lui, est maîtrisé et nous apporte des duels d’une incroyable fluidité et des batailles de masse plutôt impressionnantes, le tout mis en évidence par une bonne alliance de trames et d’encrage. Seul bémol : les décors qui restent plutôt basiques avec une surabondance logique de forteresses qui auraient mérité un peu plus de soin dans leurs détails. Néanmoins, cela permet de bien démarquer efficacement les personnages.
Niveau scénario, vouloir réaliser un manga axé sur la vie d’un célèbre mercenaire durant la Guerre de Cent Ans est un vrai défi. Et pourtant, dès qu’il parcourt les premières pages de l’œuvre, le lecteur a droit à une vraie leçon d’histoire bourrée de notes explicatives savamment distillées par l’auteur au fil des cases. On ne peut nier que Tommy Ohtsuka a fait un énorme travail de documentaliste pour pouvoir nous soumettre ces passages historique dans leur quasi véracité, sans jamais nous ennuyer. Certes, le tout est un peu romancé par moments, mais avec ce seinen le mangaka nous montre une véritable passion pour le personnage de John Hawkwood au travers d’un récit prenant qui séduira surtout un public masculin désireux d’en apprendre plus sur la vie de ce mercenaire totalement absent des cours scolaires.
Un manque de notoriété qui risque de porter préjudice au manga, hélas (ne nous leurrons pas, un titre sur Jeanne d’Arc a forcément plus de chance d’être acheté par le lecteur lambda). Pourtant il serait dommage de se restreindre à l’aspect plutôt austère de la couverture proposée par Doki-Doki tant l’intérieur de l’œuvre est un savant mélange de stratégie militaire et de combats sanguinaires dignes de la guerre de Cent Ans et des batailles du Moyen-âge !
Vous l’aurez compris, Hawkwood est surtout réservé à des passionnés d’Histoire. Son style visuel occidental pourra perturber les amateurs d’un graphisme manga classique, certes, mais sa description historique très riche et sa narration haletante permettent de se cultiver sur un événement peu étudié de l’histoire franco-anglaise, sans jamais se lasser. On ne peut que saluer la maison d’édition qui a pris le risque de sortir un seinen historique heureusement de grande qualité. Espérons que la suite se montre tout autant à la hauteur de son illustre héros!