Review
Ototo nous a fait languir avec ce Gate, dont la date de sortie fut retardée pour finalement nous offrir les deux premiers tomes de ce manga « fantasy » le même jour. Il faut dire que le scénario, issu d’une série de light novels, est plutôt original puisqu’il érige en plein cœur d’un Tokyo contemporain une mystérieuse porte menant vers un vaste monde heroic-fantasy, dans lequel de jolies elfes côtoient de dangereux dragons et d’aguicheuses femmes-chats. Un choc des cultures phénoménal auquel se mêlent les convoitises de super puissances mondiales… et au milieu de tout ça, l’histoire d’un soldat au grand cœur auquel on ne pourra que s’attacher. Attention, œuvre culte en vue !
Yôji Itami, jeune militaire des Forces Japonaises d’Autodéfense, est plutôt un glandeur otaku invétéré qu’un maniaque de la gâchette. C’est justement en se rendant, un jour de perm’, à une convention japanime/cosplay qu’il assiste, médusé, à l’apparition d’une immense porte ancestrale en plein cœur de Tokyo. Sans crier gare, des centaines de cavaliers en armure en sortent pour tenter d’envahir la capitale ! Heureusement, face à une police désorganisée, Yôji va rapidement prendre les choses en main et évacuer la population vers le Palais Impérial, duquel il va mener une dévastatrice contre-attaque ! Remercié par sa hiérarchie, le voilà fraîchement catapulté de l’autre côté de ce portail, à la découverte d’un monde où l’heroic fantasy semble bien réelle. Son but : nouer un lien avec les peuplades locales tout en préservant le territoire du Japon.
Seulement voilà, entre les autres pays de notre bonne vieille Terre qui digèrent mal ce nouvel El Dorado uniquement accessible à partir du Pays du Soleil Levant, et les ambitions d’un roi despotique cherchant à faire entrer en guerre tous ses citoyens face aux FJA, notre Yôji va avoir fort affaire pour ne pas créer d’incidents diplomatiques qui déclencheraient la première guerre « inter-mondiale ». Heureusement, il va pouvoir compter sur un trio de jeunes femmes plutôt atypiques : Lelei la mage stagiaire, Tuka l’elfe ingénue aux formes généreuses et surtout Rory Mercury, la redoutable apôtre du Dieu de la Mort fringuée… en Gothic Lolita ! Au menu de ce Shonen donc: de l’humour, du fan service, de l’action sans prise de tête et… tout son contraire avec des stratégies militaires, des questions géopolitiques et l’atrocité de la guerre dépeinte avec un certain brio ! Un mix improbable ? Oui, mais ça fonctionne à 200% !
Techniquement, ce Gate est terriblement aguicheur. Le trait de Satoru Sao, hormis sur quelques séquences d’action trop sombres, sied à merveille au scénario écrit par Takumi Yanai dans ses light novels et nous propose un chara-design attractif, une foultitude de détails dans l’environnement, ainsi qu’un découpage bien amené qui permet une lecture très fluide, sans réel temps mort, malgré la bonne épaisseur des deux volumes. Il faut dire qu’il y a pas mal d’infos à appréhender lorsque l’on débarque comme ça dans un nouveau monde, mais le point de vue focalisé sur Yôji aide à ne pas perdre le lecteur, qui découvre en même temps que lui les mœurs de cet étrange univers dans lequel se côtoient aussi bien des humains classiques que de jolies femmes-lapins et autre reptiles cracheurs de feu. Le fan service est d’ailleurs mis à contribution puisque le héros et quasiment toute sa troupe de militaires ont des fantasmes typiques des otakus, se retrouvant littéralement aux anges sur ces terres propices à la contemplation de superbes demoiselles, avec une mention spéciale à Rory Mercury d’ailleurs, qui ressent un orgasme à chaque mort dans son sillage… Plus « hentai spirit » que ça, tu meurs !
Alors oui, dis tel quel, on a l’impression que Gate va s’égarer sur les rivages de ce fameux fan service, et pourtant il n’en est rien tant ces séquences ont leur place dans le récit, sans jamais le ternir. Non, elles font plus office de soupape de sécurité, prodiguant un peu d’humour à une histoire au départ très guillerette, mais qui peut très vite sombrer dans une grave noirceur. On sent déjà que les manipulations et convoitises politiques, d’un côté comme de l’autre de la Porte, risquent de mener toute cette entreprise de contact pacificateur à sa perte. On pense notamment à la fille de l’Empereur Molt, qui envisage même d’offrir son corps et celui de sa garde féminine rapprochée comme monnaie d’échange pour amadouer « l’envahisseur nippon », ou encore à la manœuvre de son père de créer une alliance avec les divers royaumes ennemis pour attaquer la paisible armée japonaise, sachant qu’elle leur est supérieure en force de frappe, histoire d’anéantir ses rivaux sans lever le petit doigt. Bref, il y a dans ce manga un scénario dense et profond, et certaines scènes guerrières vraiment malsaines où le sang coule à flot, aussi bien « à raison » que pour des victimes innocentes. Sincèrement, sans ces petites touches un peu olé-olé et ce grain d’humour qui arrive au bon moment, la lecture de ce Gate deviendrait trop suffocante.
Bref, avec son récit riche en rebondissements, son dessin plus que réussi, ses personnages hauts en couleurs et très charismatiques et ses jeux politiques plutôt bien amenés sans jamais surcharger le récit, ce Gate est vraiment rafraîchissant et promet pas mal de bonnes choses pour la suite. Mélanger géopolitique, heroic-fantasy, guerre moderne et fan service semblait totalement contre-nature, mais le résultat s’avère terriblement addictif dès qu’on y a goûté ! A recommander !