Alors que nous avions été un peu désappointés par la présentation de Dishonored 2 à la Gamescom 2016, Bethesda s’étant juste contenté d’une vidéo de 10 minutes là où l’on espérait pouvoir prendre le soft en main, l’éditeur gardait un atout de poids dans sa manche : nous convier, ce jeudi 29 septembre, directement dans ses locaux pour tester le bébé d’Arkane Studios durant… trois bonnes heures ! Idéal pour se faire une idée précise de ce que le soft a dans le ventre, non? Alors ce Dishonored 2, digne suite du premier ou simple version 1.5 ?
Lors de la Gamescom 2016, nous avions pu assister à une vidéo de gameplay de Dishonored 2 nous présentant Emily Kaldwin en plein cœur du Manoir Mécanique de Kirin Jindosh, un savant adepte des automates et des expériences douteuses sur la psychologie humaine. Malheureusement, l’optique de ce trailer était de nous présenter les pouvoirs exclusifs de la belle dans un déluge de combats au corps à corps, loin de l’esprit du premier Dishonored. Pourtant, la bâtisse de ce cher Jindosh semblait regorger de mécanismes alambiqués et de chemins détournés…
Aujourd’hui, le mal est réparé puisque après avoir passé plus de trois heures dans la demeure, à incarner tour à tour l’ex-redoutable impératrice et son assassin fétiche Corvo Attano, on peut vous le dire d’entrée de jeu : Dishonored 2 est le digne héritier du premier opus ! Ainsi, en choisissant de nous narrer des événements se déroulant plus de quinze ans après le premier opus et en optant pour une toute nouvelle cité, la lumineuse et côtière Karnaca bien loin des ruelles sombres et malfamées de Dunwall, le titre d’Arkane Studios parvient à intéresser les nouveaux venus dans l’univers de la franchise sans froisser les habitués, tout en proposant un scénario que l’on nous promet très riche, vous obligeant à finir au moins une fois le jeu avec les deux héros pour en comprendre tout l’impact.
Mais revenons-en à la mission qui nous intéresse ici, enfin plutôt aux deux objectifs principaux qui vous sont dictés dans votre quête pour retrouver les pouvoirs et le trône de cette chère Emily : sauver le scientifique Anton Sokolov, retenu prisonnier dans le Manoir Mécanique surplombant Karnaca, et tuer le propriétaire de ce dernier, l’infâme Jindosh, à la botte de celle qui a usurpé votre place : Delilah Copperspoon. Il faut dire que le bougre est en train de mettre au point une armée hautement meurtrière de soldats mécaniques alors autant l’arrêter avant qu’il ne parvienne à ses fins.
Bien entendu, comme tout testeur normalement constitué, j’ai opté pour Emily lors de mon premier parcours, qui m’a presque pris une heure avant d’arriver à libérer Sokolov de sa prison-labyrinthe, sans même tuer Jindosh d’ailleurs, lequel a pris peur et s’est littéralement enfui après que j’aie emmené son prisonnier hors de danger. Je précise également que je me suis fait un malin plaisir à cartographier le manoir en passant d’étages en étages sur pas moins de trois niveaux allant de la salle de démonstration aux quartiers privés, en passant par la zone des invités. Autant être franc : tracée au sol, la demeure pourrait sembler un peu étroite, mais avec ces différentes hauteurs et les dizaines de passages dérobés accessibles pour qui ouvre l’œil ou utilise à bon escient les capacités d’exploration de la demoiselle, la superficie de jeu est tout bonnement hallucinante.
Il faut dire que Jindosh est un grand malade et a construit sa bâtisse en y insérant des tonnes de leviers qui, une fois activés, modifient totalement la pièce dans laquelle vous vous trouvez : marches qui disparaissent, sol qui se dérobe sous vos pas pour laisser place à un salon rempli d’invités (ou à une tourelle électrique terriblement gênante…) ou encore murs qui se retournent pour laisser apparaître une salle de bain, une chambre, voire même un labo, tout est conçu pour vous perdre mais aussi amplifier vos possibilités d’infiltration.
A ce stade, le level design tient réellement du génie et les possibilités d’approches sont incroyablement nombreuses. Pour être honnête, il m’est même arrivé, en début de troisième partie, de tomber par inadvertance dans un interstice créé temporairement par les changements mécaniques du hall d’entrée… disparaissant alors totalement des écrans radars de Jindosh. Oui, j’étais littéralement DANS les murs du manoir, avec tous ces rouages, ces pistons et ces mécanismes qui créent l’illusion de ces pièces transformables. De quoi provoquer l’ire de ma cible, et une certaine jouissance intérieure de pouvoir se balader ainsi à l’insu de tous les regards, aussi bien des invités que des soldats mécaniques et autres gardes en chair et en os.
Justement, tant que l’on parle d’ennemi, l’I.A. est plutôt réactive et je suis mort une bonne dizaine de fois lors de mon premier parcours, essayant notamment de m’en sortir en combat à l’arme blanche avec un système de parade identique à Dishonored premier du nom. Gros souci pour ceux qui se voyaient déjà pourfendre des bras et des têtes à tout va (que l’on peut d’ailleurs ramasser pour… les projeter sur ses ennemis ou créer des diversions… excellent!): les ennemis ont des flingues qui vous tuent… en un coup ! Ajoutez à cela des automates aux lames acérées pouvant même repérer ce qui se passe derrière eux, et vous comprendrez qu’il valait mieux se la jouer infiltration, d’autant que le pouvoir d’ombre spectrale d’Emily la rend totalement invisible aux yeux de ses opposants, permettant quelque stealth kills plutôt sanglants.
Vous pensez bien entendu qu’avec un tel pouvoir le titre devient trop simple ? Que nenni ! A chaque ennemi occis, votre couverture fantomatique tombe, à l’inverse d’ailleurs du nouveau pouvoir temporel de Corvo qui, lui, gèle quasiment le cours du temps et vous octroie la possibilité de tuer quatre opposants à la volée sans qu’ils puissent bouger le petit doigt. On vous rassure, le gameplay entre les deux personnages se veut équilibré. Ainsi le pouvoir de « lien » de notre belle assassine qui relie psychiquement des adversaires entre eux, vous permettra d’en tuer un et de voir les autres suivre automatiquement le même destin tragique.
Bien entendu, chaque utilisation de ces capacités requiert du Mana, que vous dénicherez en fouillant allègrement le niveau, tout comme de nombreux collectibles tels que des tableaux de maître pour la revente, des journaux audios et des dizaines de notes écrites à lire impérativement pour s’imprégner de l’histoire mais surtout… découvrir de nouvelles approches meurtrières (code pour une porte scellée, souterrain connu de quelques gardes seulement, …).
On termine ce tour d’horizon des aptitudes de nos héros avec l’ultra pratique « possession » pour entrer dans le corps des animaux et des humains (qu’Emily contrebalance avec « Fascination » pour faire combattre un soldat à sa place), la vision des ténèbres pour repérer les ennemis à travers les murs, la nuée de rats/clone d’ombre, ou encore le bien connu « clignement » de Corvo, qui lui permet de se téléporter à peu près partout, ainsi que son alter-ego féminin baptisé « Longue Portée » et prenant la forme d’une main spectrale s’étirant jusqu’au point de chute souhaité par Emily. Un petit côté « The Darkness » qui s’avère très plaisant.
Enfin, pas de jaloux pour les armes puisqu’elles sont identiques aux deux protagonistes de ce Dishonored 2, avec certains instruments de morts terriblement aguicheurs comme les fléchettes empoisonnées, le shotgun explosif ou l’incroyable Spirale Tranchante, sorte de mine qui projette des tonnes de filins acérés dans toutes les directions pour transpercer vos ennemis. Aussi gore que radical.
Au rayon des bonnes vieilles habitudes, on retrouve avec plaisir la possibilité d’upgrader ses pouvoirs via des runes et un arbre de compétence propre à chaque capacité (ainsi l’ombre spectrale peut devenir « l’ombre des rats » et vous permettre d’emprunter les petits passages créés par ces rongeurs), les améliorations physiques, le piratage à l’ancienne mais aussi la recherche de charmes d’os, vous octroyant des effets bénéfiques, grâce au « cœur » qui vous sert de radar. Les atouts sont multiples et vont de grenades ennemies qui s’enrayent plus souvent à une rapidité d’exécution des stealth kills revue à la hausse, avec une nouveauté sympathique : le craft de charmes d’os. Autant dire qu’on a déjà hâte de voir les possibilités de customisation qui vont en découler (hélas rien de prévu dans cette démo).
Sur le plan technique, ce Dishonored 2 propose d’excellents doublages français et fonctionne avec le Void Engine, un moteur 3D maison d’Arkane Studios déjà employé sur le premier volet. Le souci, c’est que s’il nous avait bluffé en vidéo à la Gamescom 2016, force est de constater qu’il a ici subi un petit downgrade graphique alors que le titre tournait pourtant sur de gros PC. Étrange mais le soft reste heureusement plutôt plaisant à regarder grâce à un design steampunk ténébreux atypique et une foultitude de détails dans l’environnement, sans parler de ses effets de particules/poussière crédibles et des jeux de de lumière aguicheurs comme le coucher de soleil sur une Karnaca baignée d’une aura presque mystique, que vous pourrez admirer si vous vous infiltrez par la chambre de Jindosh.
Le tout s’avère fluide en toutes circonstances mais nous avons quand même dénoté çà et là un affichage tardif de textures (notamment sur les objets en vitrine dans le manoir), des interactions avec le décor plutôt minimes (essayez de couper les hautes herbes pour voir) ou encore des bugs de caméra lors d’un stealth kill près d’un mur, avec une focale qui vous fait carrément perdre votre ennemi de vue. Rien de dramatique heureusement.
Aux termes des trois bonnes heures de jeu, j’ai pu recommencer le niveau pas moins de cinq fois, découvrant à chaque passage de nouveaux moyens d’arriver à mes fins en « jouant » avec le système. Ainsi, je suis parvenu à boucler le stage en moins de dix minutes avec Corvo, ayant assez bien repéré les lieux avec Emily auparavant pour me faire un plan mental complet de la bâtisse. Il faut dire que j’avais tué absolument tout le monde, Jindosh inclus, histoire de me balader tranquillement dans l’édifice pour en déceler chaque pièce, comprenant qu’il était possible d’utiliser le moment où une salle se « transforme » mécaniquement en une autre pour grimper sur un mécanisme, me faufiler dans un interstice mural ou me glisser dans une trappe au sol histoire d’arriver en quelques instants dans le laboratoire du savant pour l’assommer et… le lobotomiser avec sa propre chaise à électrodes (moyennant une petite énigme de dérivation d’énergie pas bien compliquée pour peu que vous soyez attentifs aux diverses notes présentes sur place). Une preuve, s’il en fallait une, qu’il est tout à fait possible de ne tuer personne dans Dishonored 2 !
Le must, c’est qu’alors que je pensais être devenu incollable sur le niveau, un gars de chez Bethesda est venu trouver les testeurs présents dans la salle pour leur dire : « J’ai un truc cool à vous montrer dans la démo! ».  Comment pourrait-il m’apprendre quelque chose que je ne savais déjà alors que je venais de passer trois heures sur le même stage et que j’étais certain d’en connaître toutes les entrées, toutes les failles ?
C’est là que j’ai compris à quel point Dishonored 2 était un trésor, une pépite d’or de level design! En effet, dès l’entrée et avant même que la première caméra de Jindosh ne le repère, lançant un script vocal que l’on pensait inévitable, notre homme regarde en l’air, brise une verrière, se téléporte et parvient à trouver un autre passage dans les fausses cloisons du manoir, me faisant voir des pièces complètes dont j’ignorai l’existence avant d’endormir sa cible le plus tranquillement du monde ! Ce qui est le plus dingue dans l’histoire, c’est qu’à aucun moment Jindosh ne sait que vous êtes entré chez lui !
Bref, Dishonored 2 est une suite plus que réussie qu’il faudra clairement pratiquer de la même façon que le premier volet, avec une replay value énorme et en prenant le temps d’explorer, de s’arrêter, d’écouter les conversations et de fureter dans les moindres recoins pour en découvrir les innombrables possibilités. C’est de là que vient le plus grand des plaisirs offert par cette série dont les développeurs ont bien résumé le concept par cette simple phrase : « Ne jamais dire NON à ce qu’un joueur veut tenter de faire ingame ». Un grand jeu qui augure du meilleur pour le prochain gros titre d’Arkane Studios : Prey !
Dishonored 2 sortira le 11 novembre 2016 sur PlayStation 4, Xbox One et PC, mais vous pourrez y jouer un jour plus tôt si vous le précommandez en numérique. En attendant, on vous laisse avec deux vidéos de gameplay au cœur même du Manoir Mécanique, version Chaos Total ou Infiltration Extrême. Enjoy !
Dishonored 2: Manoir Mécanique Chaos Total
Dishonored 2: Manoir Mécanique Furtivité
La Note Preview N-Gamz: 4,5/5