Review

La vision d’un artiste, aussi psychédélique soit-elle, peut-elle vraiment tout permettre dans le monde du jeu vidéo ? Si des titres comme Rez ont su prouver qu’un concept totalement hallucinatoire avait sa place dans notre microcosme vidéoludique, d’autres se sont hélas lamentablement vautrés, cantonnés à un marché de niche avide de « new age » transcendantal dans ce monde fait de pixel. Armé de son précieux slogan « Cross-Media », de quatre courts-métrages réalisés par des grands noms de l’animé japonais, dont Katsuhiro Otomo, et d’un délire visuel et scénaristique qui donnait l’eau à la bouche durant ses trailers, SHORT PEACE : Ranko Tsukigime’s Longest Day partait bien, très bien même…

Une paix de courte durée ?

Ranko: étudiante normale le jour, et redoutable tueuse à gages la nuit!

Short Peace n’est pas, à proprement parler, un jeu complet. En fait, le concept derrière ce titre est de réunir, dans une compilation numérique, quatre courts-métrages réalisés par les plus grands noms de l’animation nippone, et de leur adjoindre un cinquième larron « interactif » créé par l’inénarrable Suda 51 et son goût presque malsain pour tout ce qui touche au délire pur (Killer 7, Killer is Dead). La cinquième roue du carrosse se nomme Ranko Tsukigime’s Longest Day, et a fait fantasmer les otakus depuis son annonce grâce à des trailers saisissants de fan-service et de « plus stylisé que ma pose tu meurs ! ». Mais écoutez donc un peu l’histoire de notre héroïne.

Ranko est une lycéenne japonaise tout ce qu’il y a de plus classique le jour. Un peu taciturne mais entourée d’amies sincères en la personne de Kirara et de Moeko , elle mène une vie à peu près tranquille, bien qu’elle soit la fille du gérant de parking automobile souterrain le plus important du pays. Mais la nuit, il en va tout autrement puisque notre demoiselle se transforme en redoutable tueuse à gages, habillée dans une somptueuse robe de bal et armée… d’un violencelle/sniper ! Et là vous vous dites que Suda 51 va encore frapper, et vous aurez raison ! La belle va accepter une mission de trop, celle de tuer son propre père, et va se voir courser par des hommes sans visages, sa meilleure amie transformée en dragon, des démons à foison et… un Loulou de Poméranie géant ! Non, non, vous ne rêvez… vous êtes dans la plus longue journée de Ranko Tsukigime… et la plus courte pour vous.

Et là… c’est le drame !

Un produit estampillé « Cross-Media » à l’esthétisme animé ultra-léché!

Si l’idée du cross-media ne fait pas l’unanimité dans l’univers du jeu vidéo, elle a pourtant déjà donné de très bons résulats avec des séries comme .Hack par exemple, dont les DVD donnaient un aperçu de ce qui se passait dans le monde réel pendant que vous combattiez dans l’univers virtuel du jeu. On peut aussi citer Defiance, qui mêle une série télé à un MMOFPS (en test ici). Hélas, pour SHORT PEACE, le constat est moins reluisant puisqu’il est très difficile de trouver le point commun entre les quatre courts-métrages proposés (Gambo, A Farewell to Weapons, Combustible et Possessions) et réalisés de main de maître, avec le « jeu » proposé par Suda 51. Tout au plus y verra-t-on un style nippon sur-développé, avec le côté traditionnel et mythologique liés aux Onis/Esprits et au Japon Féodal dans Gambo, Combustible et Possessions, le modernisme dans A Farewell to Weapons et le totalement déjanté et futuriste Ranko Tsukigime’s Longest Day (qui lorgne aussi un peu vers le mysticisme). Bref, un patchwork « brouillon » qui donne déjà un petit sentiment d’inachevé… et ça ne s’arrête pas là.

En effet, intéressons-nous un peu plus au volet « interactif » de la pentalogie SHORT PEACE, alias Ranko TLD. En lançant le soft, on s’attend à avoir devant les yeux ce que SUDA 51 fait le mieux : du beat’em all décalé, bourrin et fun. Que nenni ! Cette fois place à un running game entrecoupé de séquences cinématiques utilisant à chaque fois un procédé graphique différent (images de synthèses, dessin façon manga, effet « vitrail » et j’en passe). In-game, vous contrôlez Ranko, qui n’aura de cesse de courir jusqu’à la fin du level, découpant à l’épée les ennemis qui pourraient la ralentir, le tout lui permettant d’envoyer moults effets visuels et onomatopées sur d’autres adversaires, de réaliser des combos et de s’ouvrir des passages vers des sections surélevées comprenant des cadeaux à récupérer (histoire de débloquer de jolis croquis, sans plus).

Le délire visuel est total, mais le gameplay ultra répétitif

Plus vous tuez d’ennemis, plus vous remplissez un jauge graduée dont chaque segment vous permet de tirer une salve destructrice devant ou derrière vous avec votre violoncelle-sniper. Le but ? Ralentir une menace permanente qui vous poursuit et qui est la seule à même de vous tuer : des mains fantomatiques, une immense foreuse ou encore… un Loulou de Poméranie titanesque! Un gameplay speed, certes, mais ultra redondant, même s’il est entrecoupé de trois boss-stages qui s’apparentent à une course verticale, un shoot’em up et un VS Game en pixel art. Si au moins Ranko pouvait évoluer au fil du soft en acquérant de nouvelles compétences, ça casserait un peu la monotonie ambiante… mais rien, niks, nada. On a presque l’impression d’avoir affaire à un titre typé smartphone (Temple Run, Flappy Bird et j’en passe) en termes de jouabilité répétitive.

Lui ? Non il n’est pas beau… mais il a du charme 

Si techniquement les courts-métrages de SHORT PEACE et les cut-scènes de Ranko TLD sont inattaquables, on ne peut pas en dire autant des séquences ingame en elle-mêmes. Certes, c’est fluide, l’animation est ultra rapide, les couleurs pétaradent dans tous les sens et donnent au titre un côté « joyeux délire visuel » indéniable. Mais on note de l’aliasing, des textures d’un autre âge et un level design inexistant. Un constat mi-figue, mi-raisin, même si artistiquement, avec la pléthore d’effets visuels, le soft dégage un certain charme, également magnifié par le charisme propre aux personnages made in Suda 51.

Un mauvais plan marketing pour un titre qui aurait dû inverser son approche

Musicalement parlant, la bande-son du titre est composée de nappes sonores à tendance électro insipides qui tournent en boucle durant les phases ingame et de bonnes orchestrations symphoniques ou rock lors des cut-scenes. Du mauvais et du très bon, donc. Les doublages, par contre, sont une franche réussite, les voix japonaises étant vraiment raccord avec les personnages. Niveau bruitage, c’est du basique de chez basique, hélas. Encore une fois, le jeu déçoit autant qu’il surprend.

24… minutes chrono 

Non, vous n’êtes pas devant une version raccourcie de la pire journée de Jack Bauer, mais bel et bien face à la durée de vie de ce Ranko Tsukigime’s, si l’on ôte les cinématiques (autrement, comptez 45 minutes) ! Et là, on ne peut décemment pas laisser passer un tel manquement ! SHORT PEACE est vendu au prix fort, celui d’un jeu accompagné de courts-métrages et non d’un blu-ray ciné avec un mini-soft. Qui plus est, la replay value, à moins que vous soyez fan de croquis et que vous soyez prêts à terminer 10x chaque niveau pour tout récupérer, ne vaut pas un clou. Aucun embranchement scénaristique, aucune surprise… et surtout aucune compréhension globale de l’histoire… qui en plus s’offre un final appelant une suite! A ce prix-là, comment conseiller cette compilation ? Dommage, car l’idée de départ était alléchante, mais la frustration est telle que l’on ne peut que vous supplier d’éviter le titre…

Le vidéo-test par Neoanderson

Réalisation: 14/20

Le jeu est ultra coloré, mais les textures sont vraiment simplistes, l’aliasing présent et les niveaux sans grande inspiration. Cependant, les effets visuels qui partent dans tous les sens et vous octroient des combos et des plateformes additionnelles sont un régal visuel, à la façon d’un Rez ultra speed. Les séquences animées ont un cachet incroyables et le mérite de mélanger les styles pour ne jamais lasser.

Gameplay/Scénario: 08/20

Un running game au gameplay répétitif à souhait, avec en plus un léger temps de latence pour les sauts, voilà ce que propose ce Ranko Tsukigime’s Longest Day. Seuls les boss apportent un peu de fraîcheur à l’ensemble. Le fait que Ranko ne bénéficie d’aucun aspect de level up cantonne le jeu à du smartphone de bas-étage, et le scénario incompréhensible et sans réelle fin annihile comme il se doit la bonne volonté du joueur.

Bande-Son: 14/20

Le générique de fin est tout bonnement excellent, mais c’est la seule « musique » qui vaille le coup dans Ranko, hormis lors des cut-scènes. Pour le reste, c’est de l’électro insipide et monotone mâtiné de bruitages quelconques. Heureusement, les doublages japonais sont crédibles et dans le ton.

Durée de vie: 04/20

45 minute aves les séquences cinématiques, 24 sans (véridique !), et offrant une replay value totalement artificielle vous obligeant à finir dix fois chaque niveau pour clore le jeu à 100%, Ranko TLD est une cruelle déception, et encore plus à ce prix-là !

Note Globale N-Gamz.com: 09/20

Vendu au prix fort, SHORT PEACE est un cross media honteux (.Hack où es-tu ?) proposant une durée de vie ridicule dans sa partie interactive intitulée Ranko Tsukigime’s Longest Day, et à peine une heure de courts-métrages additionnels. Certes, la plastique de tout ce qui « ne se joue pas » est magnifique, mais la frustration est immense face aux tares du soft de Suda 51. Bref, ça aurait pu être un bon blu-ray avec un mini-jeu rigolo pour 20 Euros, mais là on a affaire à un mauvais jeu proposant d’excellents animés pour 60 Euros… SHORT PEACE s’est trompé de cible, tout simplement. Et pour une tueuse armée d’un violoncelle-sniper, c’est une faute grave!



About the Author

Neoanderson (Chapitre Sébastien)
Hardcore gamer dans l'âme, la quarantaine depuis peu, je suis le rédacteur en chef autant que le rédacteur de news et le vidéo-testeur de ce site (foncez sur la chaîne YouTube d'ailleurs). Amoureux des RPG nourri aux Final Fantasy, Chrono Trigger, Xenogears et consorts, je suis également fan de survival/horror. Niveau japanim, je voue un culte aux shonens/seinens tels que Ga-Rei, L'Ile de Hozuki, Orphen, Sprite ou encore Asebi. Enfin, je suis un cinéphile averti, orienté science-fiction, fantastique et horreur, mes films cultes étant Star Wars, Matrix, Sucker Punch, Inception et Tenet. N'hésitez pas à me suivre via mon Facebook (NeoAnderson N-Gamz), mon Twitter (@neo_ngamz) et mon Instagram (neoandersonngamz)!